Pierre entendit soudain son nom :
— Pierre, Pierre.
Il déposa sa pagaie.
— Mon Pierre, mon beau Pierre de Rencontre.
Ils éprouvaient la sensation de se trouver enfin, pour toujours.
— Pourquoi étais-tu coquette, Ysabau ?
— Tu étais si présomptueux ; tu étais si certain que c’était toi que je devais aimer ; tu voyais si peu la possibilité qu’un autre pût entrer en ligne de compte lorsque tu étais là. Et toute ton attitude disait : si elle hésite entre un autre et moi, c’est qu’elle n’est pas digne de moi. Et si je regardais un autre que toi, il semblait que j’étais à jamais salie, souillée pour toi. Oh ! là, là, le seigneur de Rencontre n’était pas un mince personnage.
— Il n’est pas un mince personnage non plus, ne trouves-tu pas ?
— C’est un fat. Je voulais m’amuser à ses dépens : je disais à mes amies : « Regardez ; voici le sieur de Rencontre qui encense comme un grand de la cour ; il doit sortir de quelque château à tourelles ». Et nous nous amusions bien. Ridicule Pierre. Tu n’es qu’un Pierre de Rencontre, un Pierre d’occasion, qui ne vaut pas cher, Pierre mon bien-aimé. Tu n’es qu’un Pierre de Rencontre ; ici, aujourd’hui, mais demain, là-bas.
— Pourquoi es-tu venue alors ?
— Tu as été assez puni. Et moi, je suis bonne fille, je suis gentille, je n’ai pas ton orgueil.
— Tu es venue par pitié ?
— Oui, je suis venue par pitié. Es-tu parti à cause de moi, Pierre ? Un peu à cause de moi ?
— Tu n’étais pas une sœur menette alors : ronde, dodue comme une caille, jouant à tourner les têtes, utilisant ta beauté sans honte, folle de toi-même. On m’aurait coupé les mains, je ne serais pas allé te dire adieu sur le quai à Saint-Malo.