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Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/76

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les opiniâtres

Quelques jours auparavant, Pierre était revenu du fort avec un nouveau mousquet qu’il avait déposé sur la table. Ysabau avait examiné cette arme incrustée d’ivoire qui ne pesait pas plus de douze livres avec la fourquine.

— Tu en as déjà un, avait dit Ysabau.

— Mais celui-là, c’est pour toi. C’est mon premier cadeau.

— Pour moi, Pierre ? Mais tu veux rire.

— Non. Tu viendras à la chasse avec moi.

Maintenant, elle alla chercher l’arme, la mania, l’ajusta sur la fourquine. Elle fit feu. Le canon avait dévié et la balle se perdit dans le bois.

— Vous tuerez quand même votre orignal avant l’hiver, assura Marie.

Et Jacques disait :

— Regardez comment on charge un mousquet. On le saisit comme ceci tout d’abord ; on enfile la poudre, la première bourre d’étoupe, les balles, puis la seconde bourre…

— Quel garçon vous êtes en train de faire de moi ! disait Ysabau.

De temps à autre, au milieu de ces jeux et de ces rires, Ysabau s’arrêtait, regardait au loin ; et, soudain, elle avait le cœur dolent parce qu’à l’infini s’étendait cette solitude, que rien n’animait le fleuve, que les cris sonnaient trop grêle dans le vide du continent. Et quand Marie s’approchait, lui passait amicalement le bras autour de la taille, elle sentait un attendrissement la gagner.

« Ils sont fous, pensait plus loin David Hache assis à l’ombre ; ils ne peuvent pas plus demeurer immobiles que des enfants ». Mais ces rires rafraîchissaient son humble cœur. Regarder Ysabau, Marie, n’était-ce pas une joie ?

— La poule d’eau ! la poule d’eau ! s’écria Jacques soudain.

À sa suite, ils se précipitèrent dans la maison, s’assemblèrent autour du foyer où le chaudron