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cent cinquante dispersés plus haut sur le fleuve ; insolence de l’ennemi qui cueillait les groupes d’Algonquins et de Hurons à la vue même de la garnison.

Le soleil se leva. La journée s’écoulait, vide et désœuvrée. Orné du guidon des ambassadeurs, un canot s’éloigna du brigantin afin de poursuivre les pourparlers des jours précédents. Les Iroquois l’accueillirent avec des huées : « Où sont les arquebuses ? » demandaient-ils. Poursuivie par les flèches, la pirogue retraita. Une longue chevelure algonquine flotta bientôt au bout d’un palis.

Brigantin et pinasses s’embossèrent près du rivage. Les pierriers envoyèrent leurs bordées. De l’orée de la forêt, les arquebusiers sauvages ouvrirent sur les embarcations un feu bien dirigé. Pierre éleva son sabre au-dessus de sa tête : une balle le lui enleva des mains et le tordit. L’ennemi se replia plus tard. Il avait érigé un second retranchement au cœur de la sylve ; de cet endroit, il suivit un sentier orienté à l’ouest, transportant bagages et canots, et il retrouva le fleuve en amont.

Cette fois, l’état de guerre existait. Les semaines s’écoulèrent, le fleuve demeura bloqué. En embuscade sur les hauts promontoires, à l’affût au bout des pointes boisées, aux aguets le long des portages, les guerriers ennemis surveillaient les solitudes. Comme l’aigle-pêcheur, ils fondaient sur toute proie en vue. Quelques canots hurons filtrèrent au travers du blocus ; les autres succombèrent, leurs occupants furent torturés, les fourrures volées. Impuissance et oisiveté pesaient sur le poste. Le mariage même de Jacques Hertel, devenu seigneur de La Fresnière, avec la toute jolie Marie Marguerie, ne réussit pas à dissiper l’anxiété.

— Cette fois, nous sommes enlisés jusqu’au cou, disait Jean Nicolet. Les Hollandais de Man-