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les opiniâtres

hatte ont lié partie avec les Iroquois ; les premiers veulent des fourrures, leur dessein est d’empêcher l’essor de nos établissements ; les Iroquois désirent des arquebuses. Alors ces derniers volent les pelleteries de nos Sauvages et les portent aux Hollandais qui leur donnent des armes

— Armons nos alliés, répondait Pierre avec impatience.

— Armer des Sauvages, est-ce armer des amis ou des ennemis ? Il faut s’assurer auparavant de leur fidélité. Et comment durera la domination de quelques poignées de Blancs si les aborigènes possèdent des armes à feu ? Jusqu’ici, nous n’en avons distribué qu’aux convertis.

— Que la France envoie des troupes alors.

Intelligent, grand lecteur de livres, Jean Nicolet exposait à Pierre la complexité de la situation. Joyeux, celui-ci avait quitté son défriché pour une aventure de deux semaines. Mais les jours se succédaient ; l’armée iroquoise demeurait maîtresse du fleuve ; par faiblesse, les Français n’osaient rien. Pierre pensait au travail en attente aux entreprises en voie d’exécution. Il rejoignait les habitants sur la plate-forme des canons, et tous, ils regardaient le fleuve couler. De temps à autre surgissaient des Algonquins, hommes ou femmes, qui s’étaient évadés avant le supplice ; amaigris, exténués de misères et de privations, le corps lardé de piqûres, ils relataient des embuscades et l’atrocité de quelque torture. Pierre s’animait d’indignation ; n’entreprendrait-on rien pour protéger ces alliés, enrayer les vols de pelleteries ? Avait-on manqué de temps pour se préparer ? Puis la torpeur des mortes journées accablait la petite population.

À la fin de l’été, Jean Nicolet annonça une bonne nouvelle : le père Le Jeune, jésuite, partirait pour Paris. Par l’intermédiaire de la duchesse d’Aiguillon, il solliciterait du Cardinal des renforts et même la destruction de Manhatte.