Dit-il à l’hôtelier ; soutenez sa faiblesse,
Usez de cet argent que pour lui je vous laisse.
S’il ne suffisait pas, ajoutez ce qu’il faut ;
N’épargnez rien enfin, je reviendrai bientôt,
Et je vous rendrai tout. Il eut sa récompense ;
Le malade guérit. Or, que faut-il qu’on pense
Des trois qui tour à tour sur la route ont passé ?
Lequel fut le prochain du malheureux blessé ?
— Sur la réponse est-il quelqu’un qui ne s’accorde ?
Celui qui sur cet homme a fait miséricorde.
— Il est vrai, dit Jésus ; allez, et montrez-vous
Comme lui, bon, humain, charitable envers tous. »
Ô le bel apologue ! Ô la douce parole !
Docteurs haineux et durs, allez à cette école ;
Faut-il vous expliquer l’ingénieux dessein
Qui pour modèle aux Juifs montre un Samaritain ?
Savez-vous qu’autrefois l’enfant de Samarie
Fut aux yeux des Hébreux un proscrit, un impie,
Qu’ils avaient en horreur cet ennemi du ciel,
Et du mont Garizim le sacrilège autel ?
C’est ce proscrit pourtant, dont la noble conduite
Condamne ici le prêtre et fait honte au lévite !
Que ce précepte saint, désormais mieux compris,
Pénètre en tous les cœurs, rogne en tous les esprits.
Amené lentement jusqu’à la tolérance[1],
Le monde ira plus loin, j’en conçois l’espérance ;
Se tolérer, c’est peu ; ce n’est que se souffrir,
Il faut nous entr’aimer, nous entre-secourir ;
Avec tous les humains en frères sachons vivre,
Telle est la douce loi qu’enseigne le saint livre.
— Et toi, mon bon prochain qui m’as calomnié,
Mon cœur ne nourrit point pour toi d’inimitié.
Viens m’offrir, s’il se peut, l’occasion propice
D’exercer ma vengeance… en te rendant service ;
Viens, dis-je, souviens-toi que le Samaritain,
Par ce récit t’apprend que je suis ton prochain.
VIII.
Article De la raison laïque de M. Dessaulles et de la raison humaine, etc.
- ↑ On entend ici la tolérance envers les personnes, qui non-seulement est un devoir, mais un des points les plus saillants de la morale chrétienne.
On pourrait dire aussi, la tolérance civile, que l’Église non-seulement admet, mais que pour certaines circonstances, Elle bénit comme un bienfait.