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Quel a été le vrai résultat, la dernière conséquence de cette tactique ? Évidemment de permettre aux ministres Bas-Canadiens de voter librement à l’encontre des intérêts du Bas-Canada, puisque le tout nous a conduit à voir choisir Ottawa comme la Capitale !

Par ce moyen, on ravivait l’esprit de localité, on suscitait les rivalités de clocher ; le règlement de la question devenait interminable, mais aussi les ministres dormaient en paix sur leurs siéges. On gaspillait à qui mieux mieux les deniers publics, on dépensait trois cents mille louis en trois déménagements ; on donnait champ libre à des intrigues inouïes, on démoralisait et le peuple et ses représentants : mais on avait la satisfaction de se plonger sans inquiétude au fond de son fauteuil de ministre en se disant : « Comme ce fauteuil me va bien. »

Une seule localité, dans le pays, offrait un terrain neutre, en quelque sorte, aux diverses races qui l’habitent. Une seule ville, en Canada, offrait à chaque race un chez soi acceptable au point de vue de la nationalité. C’était Montréal. Là seulement, les deux langues se trouvaient sur un pied d’égalité ; là seulement les députés Anglais et Français retrouvaient les sympathies de leurs nationaux et des influences de partis ou de races à peu près égales.

Dans toutes les villes du Haut-Canada, les Canadiens-Français sont en pays étranger, parce que personne n’y parle leur langue. Pour eux c’est un exil.

À Montréal, les Haut-Canadiens sont chez eux parce que tout le monde y parle leur langue et parce qu’ils ont des idées communes avec une grande partie de la population. D’ailleurs les Haut-Canadiens font une notable proportion de leurs affaires commerciales à Montréal, et leur séjour prolongé dans cette ville n’est un inconvénient grave que pour un très petit nombre d’entre eux. Le contraire a lieu pour neuf sur dix des Bas-Canadiens.

À Montréal, il y a non-seulement une opinion publique forte et éclairée, mais il y a aussi un nombre considérable d’hommes de talent et d’intelligence qui sont les égaux ou même les supérieurs de beaucoup de