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était venu ! L’idée saillante du document est que la tribune de l’Institut était devenue une trompette, au moyen de laquelle on répandait les idées les plus absurdes en fait de religion, de morale et de nationalité ! Quant à la preuve de ces assertions, elle est encore à venir !


XXVI


Messieurs, il ne peut pas y avoir une justice pour l’Institut-Canadien et une autre justice pour les autres corps ou les autres hommes ! La preuve des allégués incombe nécessairement à celui qui affirme un fait, jamais à celui qui le nie ! Eh bien, ici, ceux qui accusaient emmenaient avec eux, dans leur scission, presque tous ceux qui avaient été bibliothécaires, et qui nécessairement devaient être au fait du contenu de la bibliothèque ; et malgré cela, en présence d’une dénégation formelle, ils se retirent en faisant quoi ? En répétant l’accusation sans l’ombre d’une preuve ni d’une citation à l’appui !

S’il y avait si peu de mauvais livres qu’ils ne fussent pas même connus des bibliothécaires, devenus adversaires, et qu’il fallût une révision minutieuse de la bibliothèque pour les découvrir, le mal n’était donc pas si grand qu’on l’a fait ! Le cri soulevé contre l’Institut a donc été hors de proportion avec la cause que l’on prétendait le motiver !!

Eh bien, Messieurs, c’est sur cette absence de preuve, c’est sur une affirmation conséquemment gratuite d’hommes dont je ne veux certes pas contester la respectabilité ; chez un grand nombre desquels mêmes j’admets de bonnes intentions, mais dont je crois avoir le droit de dire qu’ils n’étaient ni plus instruits, ni plus sincères, ni meilleurs juges des livres que ceux qui restaient ; c’est, dis-je, sur cette absence de preuves, sur cette affirmation conséquemment gratuite, qu’une condamnation a été portée contre l’Institut sans qu’il eût même été mis en demeure de se défendre et de présenter son point de vue de la question ! Encore ici donc, deux poids et deux mesures ! Croyance implicite dans les uns, défiance exagérée des autres !

C’est enfin sur cette absence de preuves que beaucoup de personnes croient encore, à l’heure qu’il est, qu’il y avait, qu’il y a encore aujourd’hui des livres infâmes dans notre bibliothèque ! Cela s’affirme au dehors par certaines personnes dont les intentions sont incontestablement bonnes, et par d’autres qui profitent de ce qu’un préjugé a été soulevé dans une partie de notre population pour l’exploiter à outrance.

C’est dans l’intérêt de la vérité qu’on nous calomnie !


XXVII


On a voulu justifier la flagrante injustice d’une condamnation ex-parte par la respectabilité des membres qui se sont retirés.

Mais n’en restait-il donc aucune chez ceux qui restaient ? A-t-on rompu, depuis la scission, avec les membres de l’Institut, socialement parlant ? Ont-ils cessé d’être admis dans le mouvement social, dans le mouvement politique ? A-t-on cessé d’aller, comme chez les autres citoyens, leur demander leur part des œuvres de bienfaisance, des œuvres même de contribution au culte ? Est-il bien juste en soi, que la même main qui sollicite leurs offrandes les anathématise ensuite ?

Cent-trente-huit personnes se séparent d’une société qui comptait en tout environ 700 membres : elles ne formaient donc qu’un cinquième de son effectif.

Or ce cinquième emportait-il nécessairement avec lui toute la respectabilité, toute la rectitude d’intention, toute la capacité de réfléchir, de comprendre les questions de devoir, et de droit que possédait le corps avant la scission ? Sur 700 individus, n’y avait-il que 138 intelligences, 138 cœurs droits et honnêtes ? Les 500 et quelques membres qui avaient voulu conserver leur indépendance et leur libre-arbitre ; qui ne pensaient pas qu’à tout âge on dût rester soumis à la surveillance collégiale ; qui croyaient au contraire que des hommes lancés dans le monde ou dans les carrières libérales, et qui ont une certaine latitude d’action doivent aussi avoir une certaine latitude de lecture et de travail intellectuel ; ces cinq cents et quelques membres étaient-ils seuls frappés d’incompétence ou d’aveuglement ?