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Sont-ils, dans la vie ordinaire, moins bons citoyens que les autres ? Étaient-ils nécessairement les seuls sur lesquels l’esprit de parti ou l’exagération des idées pussent avoir prise ?


XXVIII


On nous reproche de l’exagération.

Mais n’est-ce pas un peu une exagération que d’affirmer avec persistance, avec opiniâtreté, que nous avons des livres immoraux, quand nous affirmons énergiquement le contraire ; et qu’après avoir été mis en demeure de le prouver, on a cru devoir s’abstenir ?

N’est-ce pas un peu une exagération que de crier cela partout et de n’en pas avoir d’autre preuve que notre refus en ’58, non pas de permettre l’examen, mais d’affirmer, avant l’examen, qu’il y eût de tels livres ?

N’est-ce pas un peu une exagération que de parler de l’Institut comme composé de gens flétris ?

N’est-ce pas un peu une exagération que de dire que nous sommes déjà rendus dans la fosse commune ?

N’est-ce pas un peu une exagération que de nous représenter comme ennemis de la religion et neutres entre toutes les morales, ce qui équivaut à dire que nous sommes tous gens sans principe et sans aveu ?

Mais qu’on nous cite donc, chez nous, des exagérations qui approchent de celles-là ! Nous a-t-on jamais vus essayer de mettre au ban de l’opinion une association quelconque de citoyens ? Nous a-t-on vus faire de la persécution contre autrui ? Notre code n’est-il pas : « Tolérance envers les autres ? » Celui de nos adversaires n’est-il pas : « Intolérance envers nous ? » et beaucoup plus que cela, car enfin vis-à-vis de nous, il est aujourd’hui des gens qui se croient tout permis ! Non seulement on nous calomnie, mais on regarde comme chose toute simple, toute naturelle, toute permise, toute honorable même, de venir faire de l’espionnage au milieu de nous pour aller ensuite défigurer tout ce que l’on a vu !


XXIX


Une dernière petite croisade s’est organisée, ces jours derniers, contre l’Institut. Comment s’y est-on pris ?

Un jeune étranger à l’Institut se glisse un jour dans une de nos séances : il s’y conduit avec une telle liberté d’allures que le président ne peut se permettre le soupçon qu’il ne soit pas membre ; il entend la lecture d’un essai que personne, hors un esprit tout neuf où boiteux, ne pouvait prendre au sérieux ; qui, d’un bout à l’autre n’était qu’une bizarre enfilade de phrases incohérentes, sans liaison comme sans portée, sans logique comme sans but défini. Tous les membres présents, sans exception, le jugent ainsi, et ne veulent pas, pour cela même, faire à l’essai l’honneur d’en arrêter la lecture, à titre de chose sérieuse ou dangereuse.

Néanmoins, comme il devient quelquefois nécessaire qu’un acte irréfléchi reçoive le blâme qu’il mérite, surtout quand on a eu l’intention de froisser les sentiments d’autrui, un membre propose que l’auteur de l’essai soit censuré, car il avait produit sur l’auditoire l’impression qu’une idée de propagande religieuse se trouvait au fond de toute l’affaire.

Une objection d’ordre est soulevée contre la motion, fondée sur ce que l’Institut ne possédait pas le droit de censure sur les opinions individuelles de ses membres.

Je déclare, comme président, qu’elle est dans l’ordre, vu que l’Institut possède, à tous les points de vue possibles, le droit de censure sur ses membres ; non pas sans doute dans ce qui est de pure opinion individuelle, mais relativement à l’expression officielle, au sein du corps, de certaines opinions exprimées dans un but de propagande, ou avec l’intention de froisser les sentiments des autres membres.

Cette circonstance, assez remarquable pourtant, et qu’on ne pouvait avoir oubliée vu que là-dessus avait roulé toute la discussion de la soirée, cette circonstance, dis-je, fait dominant de la séance, est passée sous silence par le jeune indiscret qui s’est cru de force à jouer le rôle de censeur, et dès le lende-