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n’a baisé le vénérable document. Nul doute que des mots de ce genre n’aient beaucoup d’effet sur la foule qui ne voit jamais que ce qu’on lui montre, mais franchement ils font beaucoup trop penser ceux qui examinent sérieusement les choses. Et je reconnais moins que jamais à l’homme qui a recours à ces petits moyens à effet le droit de traiter les autres d’hypocrites. Sa Grandeur a parlé des hypocrisies des membres de l’Institut, et là encore Elle ne pensait pas plus ce qu’Elle disait qu’Elle n’a baisé le vénérable document, mais elle a cru que le coup porterait, venant d’un Évêque. Et il est incontestable qu’il a porté auprès des ignorants. C’est l’élément sur lequel Sa Grandeur compte avant tout, et c’est sans aucun doute à cet élément que le baiser épiscopal s’adresse.

Je ne commenterai pas très au long la lettre de Mgr de Montréal à l’Archevêque, mais j’en examinerai deux ou trois points qui me paraissent montrer que si S. G. a réellement baisé le document, le fait y était plus que l’intention.

Sous quelles circonstances cette lettre est-elle écrite ?

Mgr l’Archevêque, qui a été si constamment persifflé, insulté et vilipendé par le Nouveau-Monde et surtout par le Franc Parleur, depuis huit mois, passe à la Propagande quelques Numéros de ces deux saintes feuilles. On peut voir aux pages 64, 71, 74 et 78 ce qu’elles se sont permis de dire du Métropolitain, de quelques autres Évêques, et de plusieurs institutions religieuses. L’Archevêque avait-il le droit d’attirer l’attention de la Propagande sur les inconcevables écarts de deux journaux soi-disant religieux ? À son retour, il publie dans son Diocèse une lettre du Cardinal Barnabo aux Évêques du pays blâmant les excès de journaux et de pamphlets rédigés par des catholiques. Qu’ont dit les journaux censurés après la publication du vénérable document ? Pas un mot d’excuse à ceux qu’ils avaient vilipendés sans merci ; et ceux là, ce n’étaient pas des libéraux auxquels on n’est jamais tenu en conscience de faire une réparation quand on les a calomniés, mais c’était et bel bien des dignitaires ecclésiastiques ! Donc pas un acte de soumission au vénérable document. Il n’y a que les impies qui sont tenus de se soumettre aux documents venus de Rome, et cela sans doute parcequ’ils n’ont pas l’avantage de baiser les susdits documents !

L’Archevêque avait fait précéder la lettre du Cardinal Barnabo de l’information qu’il avait soumis plusieurs Numéros de pamphlets et de journaux, parmi lesquels le Nouveau Monde et le Franc Parleur. Or qui prend feu là-dessus ? Ni plus ni moins que Mgr de Montréal en personne ! S. G. empêche les deux saintes feuilles de parler, mais vient Elle-même leur faire un rempart de son propre corps, et publie une lettre à l’Archevêque dans laquelle Elle défend à outrance les deux journaux coupables des plus impudentes insultes envers son Métropolitain ! Et je dois dire que j’ai rarement lu un document plus chargé de mécontentement passionné, de colère intérieure, d’aigreur vindicative que l’on comprime le moins mal que l’on peut au dedans de soi-même, que cette lettre qui, en dépit de la souveraine vénération avec laquelle on a baisé le vénérable document, eût recommencé la guerre si l’Archevêque n’eût pas été plus réfléchi et plus pacifique que son vieux collègue.

Sa Grandeur était-Elle attaquée par la lettre de l’Archevêque ? Pas le moins du monde ! Les deux journaux seuls qu’Elle patronne étaient nommés comme ayant été déférés à la Propagande. La lettre du Cardinal Barnabo blâmait-elle en quoi que ce soit Mgr de Montréal ? Pas le moins du monde encore ! Comment se fait-il donc, quand S. G. n’était ni attaquée par celui-là ni blâmée par celui-ci, qu’Elle soit venu se jeter à corps perdu dans la presse pour reprocher à l’Archevêque un acte accompli dans les limites de son Diocèse où l’on a été naturellement irrité des insultes qui lui avaient été faites ; acte d’ailleurs que le simple bon sens, à part le soin de sa réputation et de sa position hiérarchique,