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Enfin, et pour dernière considération préliminaire, je crois pouvoir dire à V. G. que me proposant d’écrire un jour l’histoire de mon pays, il me faudra de toute nécessité examiner au point de vue des faits généraux et des résultats sociaux et industriels, l’influence plus ou moins bienfaisante sur certains points, plus ou moins fâcheuse sur certains autres, que le clergé aura exercé sur le développement national et les destinées politiques de la race française en Canada, et sur son progrès intellectuel et moral. Et quoique V. G. ait cru pouvoir un jour m’adresser dans son propre salon l’injure toute gratuite que « j’étais un caractère faux, » — quand mes ennemis m’ont toujours reproché au contraire de ne pas mettre assez de formes dans l’expression de ma pensée, — je croirais manquer à la franchise que je me suis fait une loi stricte d’observer envers tous, si je ne lui communiquais pas aujourd’hui sous une forme condensée ce qu’il me faudra dire d’Elle et de ce que je crois être ses erreurs de jugement et ses fautes pratiques quand Elle n’y sera plus. Je l’informe seulement aujourd’hui que je me propose de dresser un jour au meilleur de ma connaissance et de ma sincérité ce que j’appellerai le bilan historique du Clergé en Canada, et je fournis par là à V. G. l’occasion de laisser ses instructions, si Elle le juge à propos, à ceux qui pourront plus tard se charger de sa défense.

On vient donc Mgr, de publier par parties et à grand renfort de réclame religieuse, ce livre d’assez longue baleine où l’on affirme à peu près en toutes lettres que Mgr l’Archevêque de Québec et l’Évêque de St. Hyacinthe ont la douteuse habitude en pratique ecclésiastique de céder beaucoup trop facilement à certaines suggestions qui leur viennent en droite ligne de l’empire des ténèbres et des grincements de dents ; où l’on explique très au long comment M. le Grand-Vicaire Cazeau, au moyen d’un mensonge qui lui a été mis sur les lèvres par le prince de l’enfer qui a reçu la mission spéciale de l’égarer, a fait commettre une lourde bévue à l’Évêque de St. Hyacinthe ; et où enfin l’on démontre presque mathématiquement que depuis 20 ans au moins, les prêtres de St. Sulpice n’ont pas eu d’autres inspirateurs que les démons Baal, Belzebuth, Leviathan, Astaroth, Baalberith, Fume-Bouche, etc., etc., etc. Tout cela est sans doute du plus suprême ridicule, aussi mal pensé que pauvrement exprimé, pur style enfin de sacristain doublé de bedeau ; mais je n’invente rien ici, les choses sont là en toute lettres. Et l’auteur du pamphlet pousse le génie de l’hypocrisie jusqu’à expliquer complaisamment que tous ces hommes étant de saints prêtres, il est du dernier naturel que le Diable les tente plus que le commun des hommes pour les faire tomber, projet maudit dans lequel il a réussi au delà de toute espérance, ce qui fait qu’ils sont saints et prêtres rebelles et indisciplinés tout ensemble, ce que l’on ne sait trop, avec le simple bon sens laïc, comment concilier.

Les esprits un peu moins obtus que l’auteur de ce remarquable libelle ecclésiastique, en lisant d’un autre côté les assurances personnelles qu’il donne au public de la sainteté prééminente et parfaitement indubitable de V. G. — au point qu’Elle y est représentée comme toujours entourée d’un chœur d’anges chantant des concerts célestes au-dessus de sa tête chaque fois qu’Elle se met à son prie Dieu — les hommes de bons-sens enfin et beaucoup de femmes d’esprit n’ont pu s’empêcher de faire en eux-mêmes cette remarque si simple qui a couru plus d’un salon :

« Mais si deux Évêques, un Grand-Vicaire et les Messieurs de St. Sulpice sont si tentés parce qu’ils sont de saints hommes, et tombent si bas quoiqu’il soient si saints, ne serait-il donc pas absolument possible que Mgr de Montréal, beaucoup plus saint qu’eux tous puisqu’il a seul le monopole d’un chœur d’anges chantant au-dessus de sa tête quand il prie, ait été tenté encore davantage, et ait conséquemment pu faire aussi quelque petite chute ? Comment serait-il le seul que sa sainteté ait préservée quand celle des autres non-seulement ne leur servait de rien, mais était la raison même des terribles