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tentations qui en ont fait les instruments aveugles des puissances infernales ? Dans cet intelligent système, c’était clairement le plus saint qui devait faire la plus terrible chute !  ! »

Voilà, Mgr, comment un homme trop borné pour calculer la portée de ce qu’il dit ; dont l’horizon moral ne lui montre que son idée incomplète et toute une, et qui n’a pas assez de perspicacité pour apercevoir les écueils que lui prépare son entière inaptitude à généraliser sa pensée et en saisir les points faibles, voilà dis-je, comment cet homme compromet sottement sans y songer ceux qu’il s’imagine défendre.

Que V. G. veuille bien remarquer que je ne parle pas ici en ennemi sur la question du Séminaire, car je suis d’avis qu’Elle avait raison en principe sur la division de la paroisse de Montréal, évidemment trop populeuse et trop étendue pour une seule desserte. Mais quand on voit des élucubrations aussi inconvenantes que risibles recevoir la sanction de plusieurs prêtres de l’Évêché, qui ne faisaient nulle difficulté de dire à droite et gauche qu’après tout ils ne voyaient rien que de vrai dans la « Comédie Infernale » — et ce vrai ce ne pouvait être que le fait de l’inspiration des démons bénévolement acceptée par des dignitaires ecclésiastiques et des prêtres trop peu sensés pour la distinguer des inspirations de leurs bons anges — il est difficile que le peuple ne se demande pas un peu ce que signifie un pareil enseignement religieux.

Pendant longtemps le public a douté que V. G. pût approuver un pareil écrit, purement inepte pour les uns, mais très scandaleux pour les autres ; écrit tout chargé de fiel et de haines ecclésiastiques accumulées depuis trente ans, mais le tout couvert sous la phraséologie hypocrite d’une charité de convention ; et l’on n’attribuait qu’à sa maladie prolongée le fait que rien ne paraissait pour séparer de ce libelle et de son lourd auteur la cause de l’Évêché. Mais quand on a vu, il y a quelques jours, V. G. conférer elle-même les ordres mineurs au libelliste, et cela sans exiger la moindre rétractation de ses insinuations méchantes et de ses insultes d’intention et de fait contre « ses illustres et bien aimés coopérateurs dans le St. ministère ; » alors Mgr, le scandale a triplé d’importance, car on ne pouvait tirer de cette ordination d’autre inférence que V. G. donnait par là sa sanction cordiale au libelle et approuvait le nouveau tonsuré d’avoir dit que deux de ses collègues dans l’épiscopat, un grand vicaire et les prêtres de St. Sulpice recevaient habituellement et sans y regarder de très près les suggestions des anges déchus. Ne serait-ce pas là Mgr une manière assez peu intelligente d’obtenir pour le Clergé ce respect presqu’idolâtrique que l’on exige pour ceux même de ses membres qui s’égarent au-delà des bornes ?

Eh bien, Mgr je ne viens pas me mêler dans une querelle qui ne me regarde pas, et dans laquelle j’ai observé sans surprise les mêmes exagérations de langage que j’ai remarquées déjà dans toutes les querelles entre ecclésiastiques qu’il m’a fallu lire ou étudier ; je ne songe nullement à défendre le Séminaire qui peut très-bien se défendre sans moi, et qui choisirait probablement un autre avocat pour sa cause ; je viens seulement, et en vue de l’avenir, prendre acte des faits de la querelle, de la manière dont elle est conduite ; apprécier le tout au point de vue du simple bon sens laïc ; développer à V. G. les impressions de toute nature que ces conflits, couchés en termes si peu évangéliques mais souvent très ecclésiastiques, font naître chez nous ; et enfin faire contraster la manière aussi acerbe qu’injuste dont V. G. m’a toujours traité avec la remarquable mansuétude qu’Elle a montrée envers un homme qui vient de jeter le déshonneur à pleines pages sur des prêtres que notre société avait toujours crus respectables. S’ils ne le sont plus depuis vingt ans, ou s’ils ne l’ont jamais été, comment a-t-on pu oser faire si souvent leur éloge et nous demander tant de respect pour des hommes que l’on vient subitement nous peindre comme pires que Caïn ! C’est fort cela, Mgr, entre prêtres que