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Note B (Page 96)
LA QUESTION DES RÉGÎTRES

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Bien peu de personnes, dans Montréal, savent dans quelle grave position se trouvent nombre de familles relativement à leur fortune et à leur avenir par suite du projet, nourri et préparé avec persistance depuis vingt ans peut être, par Mgr de Montréal, de subordonner en tout l’État à l’Église en Canada. Sa Grandeur n’a réellement fondé le Nouveau Monde que pour imposer d’autorité à l’opinion publique le principe de la suprématie cléricale. On l’a peu à peu préparée à regarder comme obligatoire pour la conscience l’idée que tout ce que l’Église veut, même en matière temporelle l’intéressant indirectement, l’état doit l’accorder et considérer la demande comme nécessairement juste et raisonnable par cela seul que c’est l’Église qui l’a faite. C’est là compter bien naïvement sur l’ignorance générale, mais il y a si longtemps que l’on parle seul que l’on a fini par s’étourdir de son propre tapage.

Décidée à faire triompher coûte que coûte le principe de la suprématie ecclésiastique, S. G. combinait il y a cinq ans son grand mouvement stratégique de la subdivision de la paroisse de Montréal de manière à faire d’une pierre deux coups, car ce mouvement était encore plus dirigé peut être contre le pouvoir civil que contre le Séminaire. On a cru longtemps qu’il ne s’agissait que de celui-ci, mais on voit aujourd’hui, par ce qui se passe à propos des régîtres et des nouvelles paroisses, que le principal objet de S. G. était de signifier de fait à l’état qu’Elle se croyait devenue assez forte pour ouvrir la lutte sur la question de l’existence civile des paroisses. En faisant d’un côté une chose légitime, la subdivision d’une immense paroisse dans laquelle une seule desserte devenait une impossibilité, S. G. préparait en silence un autre projet dangereux au bon gouvernement de la société civile, celui de se passer du pouvoir civil dans l’érection des nouvelles paroisses. Voilà le véritable objet de Sa G., objet que l’on n’a pas soupçonné dès l’abord par suite de cette déplorable habitude où nous sommes de ne jamais regarder comme possible qu’un ecclésiastique, et surtout un Évêque, puisse projeter des choses nuisibles à la société. Nous nous laissons constamment aveugler par les protestations de ces Messieurs qu’ils ne songent jamais qu’au seul bien de la religion et des âmes, et c’est avec ces grands mots qu’ils ont toujours enchaîné le monde sans qu’il s’en doutât.

S. G. a donc d’abord jeté le défi à l’état sur la question de l’érection des paroisses ; puis elle vient de lui jeter un second défi sur celle de l’imposition des taxes sur les citoyens par la demande aux paroissiens de Beauharnois qui n’ont pas de terres de payer un quart pour cent sur la valeur de leurs propriétés de village, avec me-