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nace de refus des sacrements et de sépulture ecclésiastique contre ceux qui ne paieraient pas cette taxe. Celui qui la refuse ne peut donc plus faire baptiser ses enfants, ni se marier, ni faire mettre sa dépouille mortelle au cimetière. Cela conduira peut-être à des troubles graves, et certainement à des procès sans fin, mais qu’est-ce que cela fait à l’Église pourvu qu’elle domine ?

Puisque le défi est maintenant jeté à la loi sur ces deux questions, il était à propos de les discuter. Sur la question de l’érection civile des paroisses et celle des régîtres, comme sur celle de l’imposition d’une taxe sur les habitants de Beauharnois, je n’entends comme de raison que constater les faits pour poser les bases d’une discussion future plus approfondie.

Mgr de Montréal s’est donc décidé à briser l’ancienne organisation légale de la paroisse de Montréal. Qu’il fût à propos de subdiviser cette énorme paroisse de 85,000 âmes, c’est admis ; mais pourquoi S. G. s’est-elle affranchie des devoirs que la loi impose à ceux qui veulent démembrer une paroisse ? Parcequ’Elle vise depuis longtemps à se rendre entièrement indépendant de la loi civile même dans la sphère temporelle. L’Église doit être un état dans l’état, et si l’état croit que l’Église viole les droits individuels, il se trompe nécessairement puisqu’aucun droit n’existe contre ce que nos amplificateurs de collège appellent les droits de l’Église, droits qui pourtant, pour ceux qui savent quelque chose, ne sont que des usurpations remontant à une dizaine de siècles, et presque toutes fondées sur des faux historiques ou matériels.

S. G. a donc créé un certain nombre de paroisses sans s’occuper de les faire reconnaître et régulariser par le pouvoir civil. Et comme les régîtres de l’état civil, base, ou plutôt preuve des droits individuels, sont inséparables de l’existence de la paroisse en ce pays, S. G. veut modifier la forme de ceux-ci pour l’harmoniser avec l’ensemble de son projet. La loi veut certaines choses, et S. G. cherche tous les subterfuges imaginables pour s’affranchir des dispositions de la loi. Dans les nouvelles paroisses qu’Elle a créées, S. G. voulait bien tenir des régîtres, mais elle veut en même temps mettre de côté les dispositions du code qui s’y rapportent. Elle a fait affirmer par le Nouveau-Monde que « c’est l’État qui est dans l’Église, et non pas l’Église dans l’État, » donc l’Évêque peut tout ce qu’il veut et l’état n’a qu’à se mettre à genoux.

S. G. a donc délivré aux curés des nouvelles paroisses canoniques qui ne sont pas encore reconnues civilement, des régîtres sous son seing et sceau dans lesquels ces curés ont enregistré un nombre considérable de baptêmes, mariages et sépultures, sans les faire entrer aux régîtres de la seule paroisse reconnue par la loi, celle de Notre-Dame de Montréal, desservie par le curé de Montréal. Il s’en suit qu’un grand nombre de familles et d’individus se trouvent aujourd’hui sans état civil ; et qu’un grand nombre de personnes se sont mariées, ou sont nées, ou sont mortes, sans qu’on puisse le prouver légalement devant les tribunaux ; donc un nombre infini de droits individuels exposés au litige et à la contestation des collatéraux. Combien de procès résulteront de cet état de choses, Dieu seul le sait, mais qu’est-ce que cela fait à l’Église si elle domine l’État ? Qui sera responsable de ces procès ? Évidemment l’homme qui a voulu se mettre au dessus de la loi et violer ses prescriptions. Que dirait Mgr de Montréal si on le forçait plus tard d’indemniser les individus pour les droits qu’il leur aura fait perdre en refusant d’obéir à la loi ? La chose ne serait-elle pas de toute justice ? Et là encore le Clergé crierait à l’usurpation quand il est le seul usurpateur.

Voyant cette usurpation et ce grave désordre dans le fonctionnement de la société civile, la Législature de Québec, à sa dernière session, passa une loi déclaratoire et remédiale dont les principales clauses se lisent comme suit :