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état de choses. Car il existe en Canada quelque laïcs qui connaissent assez de droit canon pour montrer les nombreuses contradictions dont il fourmille et qui pourraient citer bien des décisions qu’on y trouve qui feraient honte même à ses admirateurs. Que la même chose puisse se dire des codes laïcs, c’est incontestable, mais les laïcs ne se prétendent pas infaillibles, pendant que l’on nous présente le droit canon comme la règle certaine des devoirs.

Je voudrais pouvoir faire ressortir tout ce que la requête de S. G. comporte de prétentions insoutenables et de projets subversifs de tout notre système légal. Je suis forcé par le temps et l’espace de passer sous silence nombre de considérations importantes sur lesquelles il me faudra revenir dans une autre occasion. Mais les lecteurs qui ont un peu d’expérience ont dû voir que S. G. ne vise à rien moins qu’à amener peu à peu l’état à se faire l’humble serviteur du Clergé et à modifier d’année en année suivant le bon plaisir de l’Évêque, son droit civil et statutaire. Ce qui forme le côté le plus saillant de ce remarquable document, c’est d’abord le peu de compréhension des sujets qui y sont traités, et puis la fausseté des analogies, la plus singulière confusion d’idées, le raisonnement presque toujours illogique, les méprises prodigieuses que son auteur commet en confondant le droit commun du pays avec les statuts exceptionnels qu’ont nécessités les violations par l’Évêque de ce même droit commun, le parti pris le plus étonnant de donner aux mots et aux choses une signification qu’ils ne comportent pas, et enfin des assertions d’une inexactitude révoltante. Tout cela forme un ensemble d’erreur qu’il ne nous est pas souvent donné d’observer.

S. G. commence par informer les juges qu’Elle vient accomplir un pénible mais rigoureux devoir !… Ces mots à effet conviennent sans doute à une certaine classe de lecteurs, mais quel est le fait réel ? C’est que S. G. prépare silencieusement depuis bien des années l’accomplissement de ce rigoureux devoir, qui semble, d’après ce qu’elle dit, lui incomber inopinément, et qui consiste tout simplement à bouleverser toute notre législation pour le bon plaisir de l’église. Si c’est un rigoureux devoir pour un Évêque d’opérer une révolution dans notre législation, ne serait-ce pas aussi peut-être un rigoureux devoir pour l’État d’empêcher cette révolution, et pour les juges de maintenir la suprématie de la loi ? On peut sans doute m’adresser là dessus des phrases ronflantes à n’en plus finir accompagnées d’anathèmes, mais je montrerai facilement par des faits sans nombre, où nous mènerait l’adoption des prétentions de l’Église. On l’a mise partout à la raison du 14me au 18me siècle, et cela chez les gouvernements les plus catholiques comme chez les autres, et ce n’est pas au 19me siècle qu’elle peut sérieusement espérer reprendre le terrain qu’elle méritait de perdre par les effrayants abus qu’elle introduisait partout. Le tableau de ces abus, pris dans des auteurs ecclésiastiques et jusque dans les ordonnances des conciles, surprendrait beaucoup ceux qui croient que l’ultramontanisme nous dit tout ce qu’il sait.

Vient ensuite une longue dissertation sur ce que l’on refuse aux curés leur titre. C’est ici que S. G. montre un peu trop son jeu. Elle veut faire reconnaître comme curés des fonctionnaires ecclésiastiques qui ne peuvent être que desservants aux yeux de la loi. Que S. G. fasse ériger civilement ses nouvelles cures, et les juges sauront parfaitement sans qu’elle le leur dise qu’ils ont affaire à des curés. Tant qu’elle n’aura que des dessertes aux yeux de la loi, les juges ne peuvent voir que des desservants dans ceux que S. G. veut faire appeler des curés.

Si S. G. avait lu un peu attentivement la loi, elle aurait vu que son seul objet est de régulariser des régîtres qui n’ont aucun caractère légal, régîtres qui d’ailleurs n’ont pas été tenus par les curés, mais par des prêtres catholiques dans des églises catholiques autres que curiales aux yeux de la loi ! Or c’est une forte méprise que d’aller deman-