Page:Dessaulles - La Grande Guerre ecclésiastique. La Comédie infernale et les noces d’or. La suprématie ecclésiastique sur l’ordre temporel, 1873.djvu/130

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veugle de la suprématie ecclésiastique en tout et partout ! Mais si le Clergé obtenait la reconnaissance de cette suprématie, avec ses habitudes séculaires de justice envers les laïcs, il n’y aurait plus moyen de vivre dans un pays ! L’arbitraire se substituerait partout à la loi ; la condamnation des absents parceque c’est un ecclésiastique qui accuse, redeviendrait comme autrefois de pratique journalière ; et les laïcs retomberaient sous le régime de l’excommunication pour oser prendre leurs récoltes sur le champ avant que le Curé ne fût allé choisir ses gerbes !  !

Non ! cette inconvenante remontrance de l’Évêque aux juges, qui n’ont pas à discuter la loi mais à l’appliquer selon sa forme et teneur ; cette persistance à combattre une loi passée par complaisance pour l’excuser d’avoir violé les prescriptions de la loi générale ; ce parti pris de tenir tête au pouvoir civil quand il a la condescendance de ne pas sévir comme il le devrait ; tout cela montre combien il serait dangereux de ne pas limiter sévèrement les pouvoirs d’hommes qui ne reconnaissent aucun droit hors des prescriptions de l’église, prescriptions qui souvent violent autant le droit naturel que le droit public ou le droit civil ! Tout cela montre quel peu de cas font les ecclésiastiques de la loi civile ; combien ils méprisent de fait le pouvoir civil, et combien ils sont tenaces quand il s’agit de leur suprématie sur le temporel. L’Évêque jette le défi à la loi, se met au dessus d’elle ou agit comme si elle n’existait pas, et quand la Législature est obligée de régulariser sa position, il ose encore faire la leçon aux juges qui appliquent la loi dans son vrai sens ! Voilà ce que l’état gagne à faire des concessions à ces Messieurs. Donnez leur un pied, ils en prendront dix, et si vous leur refusez l’onzième, ils crieront à la persécution !  ! L’état doit donc dire à S. G. ce que St. Louis disait à ses Évêques : « Quoi ! si les Évêques font tort à un laïc, vous ne voulez pas que mes juges interviennent !  ! » Et on ne niera pas ceci : que St. Louis valait bien mieux que les Évêques auxquels il donnait cette leçon. Si on veut des détails intéressants sur les Évêques de ce temps, j’en donnerai plus qu’on n’en voudra.

Vient ensuite le remarquable enfantillage d’informer les juges « que les lettres d’institution des curés des paroisses canoniques leur confèrent des titres en vertu desquels seuls ils peuvent tenir des régîtres ; qu’ils ne pourraient plus les tenir si ces titres leur étaient ôtés… que cela équivaudrait à séparer chez le juge le titre de juge et le droit de juger, etc, etc.

Eh bien, tout cela est du dernier ineffable, car aucun de ces raisonnements n’a la moindre raison d’être. S. G. vient soutenir que ses prêtres ne pourront pas tenir des régîtres si on leur refuse le titre de curé, précisément en discutant une loi passée tout exprès pour permettre aux prêtres qui ne sont pas reconnus civilement comme curés de tenir des régîtres ! La loi vient dire à l’Évêque : « Pour réparer votre faute, j’autorise vos prêtres que je ne reconnais pas comme curés, à tenir des régîtres. » La chose est là, clairement exprimée ! Les mots ne peuvent pas comporter un autre sens ! Et S. G. ne le voit pas ? Allons donc ! Elle le voit comme nous ! Mais ici comme à Rome d’après ses propres collègues, elle cherche des faux fuyants pour ne pas se soumettre. J’ai donc eu raison de dire qu’elle ne voit jamais que ce qu’elle veut voir ! Voilà l’illustration claire et complète de sa sincérité !

Mais il y a si longtemps qu’Elle a l’habitude de l’arbitraire ; qu’elle n’écoute jamais aucune représentation ; qu’elle n’admet jamais la moindre discussion de ses idées, que quand elle se trouve en présence de la Législature et des juges, elle conserve exactement les mêmes habitudes de discussion qu’elle a depuis longtemps consacrées quand elle a affaire à ces marguilliers de paroisse qui s’imaginent que quand un Évêque a parlé sa fabrique n’a plus aucun droit.

Eh bien, il est temps que les ecclésiastique se mettent dans l’idée que la loi est au dessus d’eux ! Ils est temps qu’ils renoncent à cette extravagante