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pour l’y autoriser. L’En-tête préparé par le Protonotaire ne peut donc en aucune manière affecter la loi spéciale passée pour S. G. d’autant plus que la dernière loi même explique qu’elle ne peut avoir d’autre effet que celui qui y est explicitement défini. S. G. pouvait-Elle ignorer que la loi qui l’autorise a tenir des régîtres n’était nullement affectée par celle dont Elle se plaint ? Certainement non ! Il n’y a donc pas la bonne foi ordinaire dans son affirmation ; ou bien Elle se trompe si malheureusement qu’Elle devrait toujours confier à d’autre le soin de mettre ses idées devant le public. Mais pour dire la vérité il n’est pas admissible que S. G. prenne ainsi pour vrai le contraire de ce que les phrases signifient pour tous les autres ! Quel est donc son but en niant ainsi le sens des mots et des choses ? Ce ne pouvait être de donner le change aux Juges eux-mêmes sur le sens de la loi. Quel est donc son but, car il y en a un ?

Eh bien, ce but, le voici. Ne pouvant l’emporter sur la loi, Elle a fait une dernière protestation sous forme de requête appelée respectueuse quoi qu’elle ne le soit que dans les mots, et avec cette protestation, Elle crée un certain malaise dans l’esprit public en faisant concevoir des doutes sur l’action des tribunaux ; Elle crée chez la masse ignorante, source principale de sa force sociale, l’idée qu’Elle est maltraitée parcequ’Elle défend les droit de l’Église. Elle sait que cette masse ignorante a une confiance implicite en Elle tant pour son caractère d’Évêque que pour l’austérité bien connue de sa vie, et elle se sert de cette ignorance comme d’un point stratégique d’où Elle peut longtemps encore défier le pouvoir civil et la loi ! Les hommes instruits voient bien que dans cette inconvenante remontrance aux Juges, Elle défigure le sens de chaque phrase de la loi et donne à l’En-tête des régîtres irréguliers une portée qu’il ne peut avoir ; mais la masse ignorante ne verra pas cela pour l’excellente raison qu’elle ne lira rien, et qu’elle jugera la question sur le seul fait de la résistance de Monseigneur qui, à ses yeux, ne peut évidemment combattre la loi que parceque la loi offense l’Église.

Voilà le pouvoir contre lequel tous les peuples ont dû lutter pendant des siècles, et les tactiques contre lesquelles bien des gouvernements sont venus se briser avant que l’Église n’eût été refoulée dans sa sphère. Elle fait aujourd’hui un suprême et dernier effort pour reprendre ce qu’elle a perdu, mais les gens sensés voient cela sans beaucoup d’alarme, car sur la question de sa suprématie sur le temporel elle est définitivement vaincue, et cela dans les pays les plus catholiques.

Mais nous voici au point qui tient le plus au cœur de S. G. Elle se plaint de ce que l’on a refusé, au Greffe, de communiquer l’En-tête que l’on se propose de placer sur les régîtres. « Cela est inouï, dit-Elle. Quoi donc ! un curé n’aura pas le droit de connaître d’avance ce qui est inscrit dans un livre dont il aura la responsabilité… »

Seraient-ce donc les curés qui veulent absolument connaître l’En-tête des régîtres ? Pourquoi donc ne l’ont-ils pas demandé quand ils ont laissé leurs régîtres pour l’année courante au bureau du Protonotaire ? Pourquoi donc ont-ils remporté leurs régîtres une fois légalisés sans souffler mot ? Qui donc veut absolument connaître cet En-tête ? S. G. évidemment ! Pourquoi donc S. G. parle-t-elle des curés ? Pourquoi donc ne pas dire les choses telles qu’elles sont ? Pourquoi donc toujours des détours au lieu de parler franc et net comme les autres ? La raison en est bien simple : c’est parce que Sa Grandeur veut obtenir ce qu’Elle ne veut pas dire. Elle voudrait que le pouvoir civil ne se mêlât pas du tout des régîtres de l’état civil parce que c’est le Clergé qui les tient ; mais elle n’ose pas encore formuler sa prétention en toutes lettres. De là des phrases ambiguës, entortillées, et des interprétations hazardées, forcées, inadmissibles ou ridicules pour arriver sans qu’on l’apperçoive au point vers lequel Elle s’avance en se découvrant le moins possible. Si S. G. disait ce qu’Elle pense, voici ce qu’Elle aurait écrit au