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pouvoir civil : « Je veux connaître l’En-tête que vous mettrez aux régîtres parceque, comme Évêque, je représente l’Église qui a un contrôle absolu sur l’État, et que nos régîtres étant tenus en vertu d’une ordonnance du Concile de Trente, vous n’avez pas le droit d’en prescrire la forme. Et songez bien qu’il y a excommunication ipso facto contre ceux qui entravent directement ou indirectement la juridiction ecclésiastique. Je puis donc, vous déclarer excommuniés quand il me plaira ! »

Voilà comme les Évêques parlaient au 13me siècle ; mais dans les temps calamiteux où nous sommes, ce beau style n’est plus de mise. Il éclairerait trop même la classe ignorante sur les prétentions ultramontaines. Mieux vaut donc regarder à gauche quand on veut aller à droite et tâcher toujours d’obtenir ce que l’on veut en paraissant demander autre chose.

Pour expliquer sa demande de leur communiquer l’En-tête des régîtres, S. G. argue de la responsabilité des curés. De quoi donc sont-ils responsables ? De la forme légale du régître ? Pas le moins du monde ! Le protonotaire seul est responsable de la légalisation du régître. Le prêtre qui le tient n’est responsable que de son exactitude matérielle ; entrer régulièrement tous les actes de naissances, etc., etc., et les noms des personnes, etc. Si le Protonotaire ne légalisait pas le régître de la manière voulue par la loi, serait-ce le curé qui pourrait être puni ? Certainement non. Donc le prêtre ou curé n’a aucunement besoin de connaître l’En-tête légal puisque cette partie du régître ni le concerne en rien. Donc l’État n’est pas le moins du monde tenu moralement de le communiquer à l’Évêque, et celui-ci ne tient si fort à ce qu’on le lui communique que pour essayer de surprendre à l’État une formule qui rencontre ses vues, c’est-à-dire qui lui donne en tout ou en partie ce que l’État lui refuse. L’Évêque ne tient donc si fort à voir l’En-tête que pour empiéter sur un domaine qui n’est pas le sien. Et dans le cas particulier qui nous occupe, il se sert évidemment de la question des régîtres pour faire passer ses curés, et en même temps du titre de ses curés pour maintenir son point de vue de la question des régîtres, le tout se résumant dans une résistance formelle à l’autorité civile.

Puisque ces régîtres sont à toutes fins que de droit « les régîtres de l’état civil, » tenus sans doute par le Clergé pour l’État, mais pour être déposés dans les Greffes des Cours de Justice pour constater l’état civil des personnes, il semble que la légalisation de ces documents est le seul partage de l’État qui peut adopter telle formule que bon lui semble. Voilà ce que le bon sens dit. Mais l’ultramontanisme le prend sur un tout autre ton. Écoutons-le un peu. « Que venez-vous nous chanter avec vos régîtres de l’État civil ? Nous ne tenons pas de tels régîtres ! Si vous en voulez, tenez les vous-mêmes. D’ailleurs vous appelez régîtres des naissances, mariages et obsèques, ceux que nous tenons sous le titre : régîtres des baptêmes, mariages et sépultures ! Arrière, impies, avec la tournure laïque que vous donnez aux chose saintes ! C’est pour obéir au Concile de Trente que nous tenons nos régîtres ! Et pour vous rendre service, à vous État, nous en tenons un double que nous vous passons ; mais ne venez pas prétendre que nous soyons officiers de l’État civil ! Nous, officiers civils ! Horreur ! Nous commandons au civil ! Nous sommes maîtres et non serviteurs de l’État civil puisque l’État nous est subordonné en tout ! »

Voilà les aménités ultramontaines que certaine école nous débitait à mots très peu couverts il y a quelques mois. Et tout cela se dit sous l’admirable prétexte de devoir de conscience quand il ne s’agit absolument que domination sur l’État.

Eh bien, il est bon de rappeler à S. G. une chose qu’Elle perd beaucoup trop de vue : c’est que quand la loi a été forcée d’intervenir pour corriger une illégalité commise par un Évêque qui compromet l’État civil des citoyens ; quand une fois elle a parlé, et chargé