Page:Dessaulles - La Grande Guerre ecclésiastique. La Comédie infernale et les noces d’or. La suprématie ecclésiastique sur l’ordre temporel, 1873.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 130 —

article de foi au renversement des constitutions et à l’abrogation des lois ; qu’au contraire, Sa sainteté, dans sa bonté, regarderait d’un œil favorable bien des choses introduites dans la pratique sociale par la civilisation et les principes politique du temps.

Il fallait bien de l’aplomb, quand le Pape actuel a si souvent flétri les constitutions et abrogé et déclaré nulles les lois des États avant d’être déclaré infaillible, pour affirmer ainsi qu’il n’entendait pas appliquer le nouvel article de foi aux constitutions ou aux lois des États après qu’il l’aurait été. Mais il y a quelque chose de plus grave. Par là, le cardinal Antonelli informait vraiment les catholiques qu’on pouvait fort bien ne pas appliquer dans la pratique les principes que le Pape et l’Église déclaraient solennellement au monde être des vérités révélées ; que le devoir peut être relatif ou absolu suivant les cas ; que le Pape peut appliquer ou non à son gré la loi divine ; et surtout que l’on peut toujours mettre l’esprit de côté pour ne s’en tenir qu’à la lettre et vice-versa. Ces conséquences ne comporteraient-elles pas de très graves erreurs en morale ?

Voici donc comment on parlait avant le Concile. Et c’est le premier ministre du Pape, membre du Concile, qui faisait toutes ces heureuses distinctions. Mais comment parle-t-on depuis ? Toute la presse religieuse n’affirme-t-elle pas que le moindre mot du Pape est obligatoire pour les gouvernements comme pour les individus ? Et le Jésuite Schrader n’est-il pas venu démontrer au long qu’une fois l’infaillibilité proclamée, toutes les ordonnances, décrets ou décisions des papes devaient être acceptées comme infaillibles ? Il n’est plus même question de la forme Ex cathedrà, sur laquelle il y avait plus de vingt opinions différentes, toutes également probables !

Enfin quelles paroles l’Archevêque de Londres, dans un sermon à Kensington, met-il dans la bouche du Pape ? « Je prétends être le Directeur suprême… de la famille qui se renferme dans le cercle de la vie privée, comme de la législature qui fait les lois du Royaume ! je suis le suprême et seul juge de ce qui est bien et de ce qui est mal. »

Voilà ce que le cardinal Antonelli disait avant, et voilà ce que l’Archevêque de Londres dit après.

Mais il fallait bien, avant, tourner le moins mal possible les obstacles nombreux et formidables que l’on prévoyait. Après, on dit tout ce que l’on pense !  !

Mais gare aux autres qui osent penser ! !