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ment ? C’était sans doute une belle mine à exploiter qu’un pareil revenu, mais cela impliquerait directement la vénalité de la curie romaine !

Il est vrai que depuis douze siècles il n’y a qu’un cri dans l’Église, de décade en décade, contre la rapacité des tribunaux romains ! St. Boniface, St. Pierre Damien, St. Bernard, l’Abbé d’Ursperg, St. Laurent Justinien, St. Edmond de Cantorbéry, St Louis, roi de France, Jean de Salisbury, Robert Grossthead, Év : de Lincoln, Séval, Archev : d’York, Bernardin de Carvajal Évêque de Badajoz, le Cardinal de Cusa, Guillaume de Perrenniis, le Chartreux Jacques de Paradis. Nicolas de Clémengis, Burchard, Thierry de Niem, l’Évêque Alvare Pélage. Dom Barthélemi des Martyrs, Archev : de Braga ; le mémoire au Pape Clement v sur l’état de l’Église ; le Consilium de emendandá ecclesiaá écrit par une commission de cardinaux, les déclarations de sept ou huit conciles œcuméniques sur l’incurabilité de la simonie : les remontrances énergiques de plus de cinquante conciles provinciaux sur les intolérables exactions des Juges romains ; les protestations à diverses époques de tous les gouvernements de l’Europe sur les mêmes exactions : les dépêches pendant les deux derniers siècles des Ambassadeurs de France, d’Autriche et d’Espagne, dont un grand nombre étaient Évêques, sont tous là pour prouver le fait de cette vénalité.

Je sais que l’on prétend aujourd’hui que tous ces criants abus du passé, constatés par tous les grands hommes que je viens de citer, n’existent plus depuis des années. Mais les discours de plusieurs Évêques au dernier concile semblent démontrer qu’ils sont encore loin d’être déracinés à l’heure qu’il est.

Enfin le fait est là, si le Séminaire est aussi coupable qu’on l’affirme dans la « Comédie Infernale, » — je dirais qu’on le démontre, si tout ce que l’on y a dit est vrai, — comment réussit-il depuis vingt ans à éviter une condamnation ? Je n’y vois pas de milieu : ou on le calomnie audacieusement, ou bien il a réussi à corrompre ceux qui auraient dû le condamner depuis longtemps sur une question toute simple. Et quand j’exprime cette idée, je ne fais après tout que marcher dans le sentier qui m’a été ouvert par le pamphlet même que V. G. a présenté à Rome, pamphlet où le Séminaire est accuse d’avoir corrompu, ou au moins tenté de corrompre, un Évêque canadien. S’il a vraiment fait une tentative de ce genre auprès d’un homme que l’on croit universellement fort au dessus d’un pareil acte, serait il donc si étonnant qu’il eût fait des tentatives analogues auprès de ceux qu’une tradition de douze siècles, dans l’Église, nous représente comme y ayant rarement résisté ?

Et il semble n’y avoir pas non plus d’alternative dans l’autre sens. Si le Séminaire n’a réussi qu’avec des moyens légitimes à prolonger la lutte aussi longtemps qu’il l’a fait, alors il est difficile de ne pas croire qu’il est calomnié d’une manière atroce par l’auteur de la « Comédie Infernale, » et alors la plus simple décence exigeait que l’on forçât cet homme à se rétracter avant de lui permettre de poser le pied sur le seuil du sacerdoce.

Mais il reste vrai que de quelque côté que la balance penche, la considération du Clergé doit en souffrir. Si le Séminaire est coupable de tous les torts qu’on lui reproche, alors on ne devait pas tromper le public en lui décernant tous les éloges que nous avons lus, et les tribunaux romains n’ont pas fait leur devoir en ne le condamnant pas. Et si l’on calomnie le Séminaire, alors l’Évêché se trouve responsable d’une bien grande somme de scandale, en admettant dans le Clergé l’auteur de calomnies si grossières, admission qui, pour le public, équivaut à leur approbation. Donc ou la curie romaine ou V. G. avez failli à toutes les obligations de la conscience.

Au reste, moi qui ai vu la justice romaine à l’œuvre dans l’affaire de l’Institut ; qui l’ai vue confondre à dessein les questions et les personnes pour ne pas rendre une décision qui eût pu déplaire à un supérieur ecclésiastique