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tière de l’histoire et aussi de l’examen approfondi du philosophe ; car ces choses et nombre d’autres expliquent la nature de l’influence souvent désastreuse qu’un clergé plus ou moins éclairé peut exercer sur les destinées d’un pays. Ces choses expliquent comment certains hommes qui croient servir la religion en dominant le temporel par le spirituel, peuvent organiser le système clérical et le combiner avec le système politique de manière à détruire tout libre-arbitre individuel chez les citoyens, et par là rendre impossible le développement des libertés publiques. On ne saurait baser la liberté sur l’esclavage de la pensée, et c’est en organisant habilement celui-ci que les clergés réussissent à escamoter celle-là à leur profit.

Ainsi quand je dénonçais, sans autre intention que de maintenir le vrai et de défendre le droit le plus sacré du citoyen, des prêtres qui faisaient ce que Mgr Langevin vient d’affirmer leur être absolument interdit — traîner la politique dans la chaire et y insulter les personnes au profit d’un parti — n’étais-je pas dans mon droit en défendant le domaine laïc contre l’empiétement ecclésiastique ? Et pourtant quelle réprobation ne me suis-je pas attirée de la part du Clergé ? « On ne devait pas parler de ces choses ! On ne devait pas traîner le prêtre devant l’opinion ! » Voilà ce que les journaux religieux ont dit sur toutes les variantes possibles. Le prêtre se permet bien, lui, de calomnier les gens en chaire, mais même quand il s’égare il est inviolable ! Eh bien, qu’est-ce donc que je disais de si affreux ? Précisément ce que Mgr Langevin vient d’affirmer en toutes lettres ! Rien de plus et rien de moins !

Je prétendais donc qu’un prêtre n’avait pas le droit de flétrir en chaire un parti politique ou une classe d’électeurs, et de leur attribuer faussement des principes qu’ils ne professaient pas ; je maintenais qu’il n’avait pas le droit d’adresser des injures ou des personnalités blessantes à qui que ce fût dans l’église ; je maintenais aussi qu’il n’avait pas le droit de nommer ou désigner les candidats en chaire et de se prononcer comme pasteur sur leurs mérites respectifs ; enfin j’affirmais emphatiquement qu’il n’avait pas le moindre droit de défendre aux électeurs de voter pour un candidat ni de leur ordonner de voter pour un autre.

Le seul bon sens, à part les règles ecclésiastiques, me donnait entièrement raison. Eh bien, quelles colères n’ai-je pas soulevées dans le Clergé pour oser maintenir hautement, comme c’était mon droit et mon devoir, des principes aussi certainement justes ! Quelles injures dans les chaires contre le journal qui avait l’audace de faire la leçon à des prêtres !  ! Défense de le lire sous peine de péché mortel, comme attaquant la religion, quand il ne faisait strictement que combattre ce qu’elle blâme ! Le dernier vicaire de paroisse en était venu à s’arroger le droit de créer des péchés mortels à plaisir pour soutenir son parti, c’est-à-dire celui du pillage et de la fraude !  !

Et puis le journal, pour soutenir les principes justes qu’il défendait contre toutes les colères du Clergé, citait des faits hautement répréhensibles, des torts excessivement graves, exposait les écarts des curés qui s’oubliaient ; et sans manquer au décorum envers les individus, ni aux convenances sociales dans son langage, il mettait sans crainte les torts sur les personnes. Or voilà qui était bien autrement abominable que de discuter des principes ! Quoi ! On osait publier dans un journal un écart d’un prêtre en pleine

    de cause à un Évêque sans entendre l’autre ! Comment le Pape a-t-il pu en conscience prononcer le Non Expedire sans entendre Mgr de Montréal ? Voilà donc le grand Pie IX pris en flagrant délit d’injustice, et ce sur le propre témoignage, sur le propre exposé de Mgr de Montréal ! Voici donc le dilemme dans lequel les trompeurs d’ici se trouvent placés. Ou, Mgr de Montréal a calomnié le Pape, ou le Pape a commis la plus grave erreur comme Juge suprême de l’Église en le condamnant sans l’entendre. Il ne reste donc aux trompeurs que la dernière ressource de prétendre que le Pape a le droit de condamner sans entendre. S’il veulent soutenir cela je les invite à une conférence publique ! Et je leur promets d’intéressants renseignements sur les droits que l’ultramontanisme attribue au Pape.