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cans et de catholiques libéraux, Mgr Dupanloup, Mgr Strosmeyer, l’Abbé Gratry, l’Évêque de Little Rock, M. de Montalembert, Mgr l’Archevêque de Québec pour sa bonne petite part, puis Messieurs Gazeau et Paquet et tous les prêtres du Séminaire de Montréal, et cela après avoir, la veille même, informé gravement ses lecteurs que la réunion des catholiques-libéraux formait bel et bien, en ce monde, le véritable Sanhédrin de l’enfer !  !  !

Si les gens que je viens de nommer forment en monde le véritable sanhédrin de l’enfer, que restera-t-il donc, Mgr, en fait de qualification ecclésiastique, pour l’horreur des horreurs aux yeux du saint journal : les libéraux tout court ? Il ne reste plus rien pour coiffer dignement ceux-ci ! Les autres ont tout reçu !

Vraiment, Mgr, peut-on traiter pareilles extravagances autrement que par le rire ? On dirait en vérité que les diverses sections du Clergé ne songent qu’à se lier réciproquement sur la sellette et à se peindre mutuellement en noir avec une bonne volonté que ceux qu’il prétend être ses ennemis n’auraient jamais su y mettre ! Où allons nous donc chercher la sincérité et la bonne foi dans ce tohu bohu religieux, dans ce pêle-mêle ecclésiastique où de chaque côté l’on prétend que le mensonge est de l’autre !

Voyons, Mgr, ne suis je pas aujourd’hui triplement vengé des injures que Votre Grandeur a cru pouvoir m’adresser devant le public ? Que V. G. montre donc dans tout mon passé rien qui ressemble de bien loin à cette remarquable succession d’intrigues de prêtres contre prêtres, de reproches mutuels de déception systématique que chaque jour que le bon Dieu nous amène fait surgir devant nous ? Quand donc ai-je dit des ecclésiastiques la dixième partie de ce qu’ils disent aujourd’hui les uns des autres ? Comment donc V. G. peut-elle tolérer, comme elle le fait, les insultes du Nouveau Monde aux dignitaires ecclésiastiques, et même ses calomnies formelles, quand elle représentait comme doctrine de pestilence la simple revendication du libre arbitre du catholique dans la sphère politique et sociale ? Oui certes je suis vengé quand je vois V. G, qui me reprochait si amèrement d’en appeler à l’opinion publique de ses erreurs de jugement et de ses sévérités inintelligentes, obligée elle même aujourd’hui de reconnaître la compétence de ce tribunal en dernier ressort et de faire plaider[1] sa propre cause devant cette même opinion publique qu’elle méprisait quand elle ne prévoyait pas qu’elle aurait besoin d’elle plus tard !

Au reste, il n’y a pas qu’ici que ces luttes ardentes dont nous sommes témoins se manifestent dans le Clergé. Si je sors du Canada, je vois les mêmes antagonismes, les mêmes rivalités, causées, je dois le dire, par ce parti pris que je remarque dans la faction ultramontaine de tout diriger, de tout régenter et de tout écraser quand elle se croit assez forte. C’est dans la faction ultramontaine surtout que je vois l’irrésistible propension à l’injure contre tous ceux qui ne se soumettent pas aveuglément à l’ipse dixit des exagérés. C’est là surtout que je vois le parti de l’intolérance arrogante, de la violence morale, de l’intimidation ecclésiastique et de la perversion systématique des questions et des faits ; exactement comme au temps des fausses décrétales, de la compilation mensongère appelée le Décret de Gratien ; comme au bon temps des fraudes pieuses et des faux innombrables que l’histoire vraie met à la charge de l’ultramontanisme.

Ce parti s’est montré ce qu’il est partout jusque dans le Concile du Vatican. Au dehors la Civilta cattolica, les Veuillot et les Margotti comparaient les Évêques de la minorité aux francs-maçons et les assimilaient chrétiennement aux athées : et au dedans — tout se savait malgré le secret imposé — c’est tel Évêque de la majorité, un de ceux probablement qui avaient pré-

  1. Depuis ce temps, Sa Grandeur est venue plaider elle-même sa cause devant l’opinion publique. Nous étions des indociles, nous, pour avoir fait précisément cela !