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Mais continuons l’examen des conséquences de l’adoption du droit chrétien dont nous parle tant le Nouveau-Monde avec complet parti pris de tromper le public. Et V. G. voudra bien remarquer avec quelle modération dans mes citations j’effleure ce sujet qui demanderait plusieurs volumes pour tout énumérer et tout expliquer ! Nous avons vu quelques ordonnances du Concile de Trente ; ce qui suit est tiré du droit canon, des bulles des Papes et du Syllabus.

5o Que l’Église a le droit illimité de posséder des biens, d’en acquérir, et de les recevoir par testament même au détriment des familles mises sur le pavé ; et qu’un gouvernement viole la loi de Dieu s’il veut en aucune manière régler ou limiter ce droit :

6o Que l’abolition des cours ecclésiastiques a été un attentat contre l’Église et que le Pape a le droit d’ordonner qu’on les rétablisse dans les états catholiques — et même protestants puisque le Pape a juridiction sur eux.

7o Que les gouvernements n’ont aucun droit de législater même sur la partie civile du mariage, que l’Église ne reconnaît pas ; ni de définir les effets civils du mariage en certains cas : — Ainsi un prêtre mariera clandestinement deux mineurs contre le gré de leurs parents et les cours de justice n’auront pas le droit d’intervenir.

8o Que les gouvernements n’ont pas le droit de laisser libres les prêts d’argent même sur les effets de commerce, et sont obligés canoniquement, ou de défendre de demander un intérêt, ou d’établir des taux très restreints sans aucun égard à la demande ou a l’abondance des capitaux ou aux circonstances du commerce. — Autrefois le prêt à intérêt était absolument prohibé comme péché mortel. Il y a là dessus plus de vingt décisions de Conciles et plus de cinquante décisions de Papes. Aujourd’hui néanmoins on le tolère. D’où vient cela ? De ce que l’on n’a jamais compris, ni voulu comprendre, quand les laïcs l’ont expliquée, la philosophie du prêt-à-intérêt, c’est-à-dire les raisons de toutes sortes qui en démontrent la complète légitimité. Sur cette question comme sur tant d’autres, la raison ecclésiastique a dû finir par reconnaître de fait la supériorité de la raison laïque. Mais le droit reste.

9o Que d’après les bulles d’excommunication des Papes et les commentateurs autorisés du droit canon, un catholique n’est pas tenu de payer une dette à un hérétique, ou que le Pape a le pouvoir de l’en dispenser, ou de lui défendre de payer cette dette : — Je serais curieux de voir le Nouveau Monde disséquer, ressasser et contourner cette chrétienne disposition du droit chrétien de manière à la rendre acceptable à la conscience des hommes :

10o Que le Pape a le droit de dispenser de l’accomplissement de tous serments quelconques, politiques ou civils ou privés ; donc de dispenser les citoyens d’obéir à la constitution on à la loi — V. G. n’ignore pas combien souvent les Papes ont dispensé de leurs serments les Princes qui avaient juré de maintenir intactes la constitution et les lois d’un pays.

11o Que le Pape a le droit d’établir des tribunaux d’inquisition dans tous les états catholiques, que les gouvernements y soient opposés ou non : — je doute, Mgr, que les nations soient très disposées aujourd’hui d’accepter l’Inquisition, cette perle du droit canon d’après le fringant abbé Morel ; et cette sublime perfection morale, d’après les illustres théologiens de la Civiltà !  !

12o Qu’il est légitime de priver de leur biens les enfants des hérétiques et de les enlever dans certains cas à leurs parents : — M’est avis qu’il ne serait pas absolument facile aujourd’hui de faire adopter ce détail de ce que le Nouveau Monde appelle le droit chrétien.

13o Que les gouvernements sont obligés, et peuvent être contraints par les censures ecclésiastiques, de refuser aux hérétiques l’exercice public de leur religion :

14o Que la crainte d’une excommunication injuste est une raison suffisante pour justifier un homme de violer un devoir : — Ainsi un législateur, s’il craignait d’être excommunié même injustement, devrait voter contre les lois que sa conscience lui dicte ; un juge