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ver heureuses qu’on leur laissât quelque chose. Mais quand les officiaux et leurs familiers et employés avaient pu entrer dans une succession, il restait rarement quelque chose. On peut consulter les auteurs ecclésiastiques pour connaître leur opinion sur les officiaux.

4o Que les individus qui portaient la tonsure, fussent-ils mariés, sont exempts de toute juridiction laïque. — Dans ces temps heureux de l’omnipotence ecclésiastique, un homme qui avait commis un crime allait tout simplement chez un barbier se faire faire une tonsure, et de suite l’Église le réclamait comme passible de sa seule juridiction. Et l’on convoquait gravement des arbitres pour décider si la tonsure était antérieure ou postérieure au crime. Et quelle que fût l’énormité de ce crime, mon homme en était quitte pour quelques douzaines ou quelques centaines de chapelets, ou de récitations des psaumes de la pénitence, et aller entendre les offices à la porte de l’Église. S’il était riche, il rachetait un homicide pour quatre ou cinq livres tournois, et même le meurtre de son père pour dix-sept livres tournois : (environ dix-sept louis d’aujourd’hui.) Les gouvernements ont lutté pendant plusieurs siècles pour se débarrasser et débarrasser le monde de ce magnifique droit chrétien qui assurait l’impunité au malfaiteur dès qu’il avait une tonsure sur la tête.

Et quand je dis, Mgr que les théologiens romains déclareront ces dispositions obligatoires si on les consulte, je suis sûr d’être dans le vrai, puisqu’ils ne leur serait pas loisible de faire autrement, car ces dépositions émanent du Concile de Trente et obligent conséquemment la conscience des catholiques. Ce sont ces dispositions et plusieurs autres qui ont fait rejeter la discipline du Concile de Trente par les gouvernements, même celui du catholique Philippe ii d’Espagne. Mais si nous tombions sous le système d’interprétations des Monsignoris Romains, il nous faudrait bien subir ce beau système légal et politique, puisqu’ils le donneraient comme de droit divin. Et ceux qui nous parlent ici de l’adoption sans réserve du droit chrétien savent parfaitement que ce prodigieux système deviendrait obligatoire sous peine de péché. Et le fait est qu’en droit il l’est aujourd’hui puisque c’est un Concile œcuménique qui l’a décrété ; seulement on n’ose pas l’appliquer, mais on devrait refuser la sépulture ecclésiastique à ceux qui le violent. Pourquoi donc ne maltraite-t-on que le pauvre Guibord quand il y a tant de plus grands coupables que lui ?

Ceux qui nous parlent de l’adoption du droit chrétien se donnent bien garde de le définir comme il doit l’être. On n’ose plus dire ces choses, encore bien moins les faire. On sait que dans une population peu instruite, on peut se tenir dans les généralités en parlant du droit chrétien, et que la masse s’imaginera qu’il ne peut s’agir que d’un droit bien supérieur au droit laïc. Et bien quelle est la vérité ? C’est que le droit laïc a corrigé le droit chrétien ! C’est que le droit chrétien tel que l’ultramontanisme l’a fait n’est pas digne d’être comparé au droit laïc, parce qu’il constitue la violation et même le renversement de tous les droits ! C’est que si l’on osait entrer dans le détail des conséquences que produirait l’adoption du droit chrétien tel qu’on l’a fait on produirait infailliblement le rire universel.

En se tenant dans les généralités on est sûr d’aveugler les gens peu instruits. Ce système est plus commode. Quant à moi, je crois bien faire en disant la vérité et toute la vérité, pensant avec le grand St. Bernard et St. Grégoire le grand qu’il vaut mieux qu’un peu de scandale arrive que de celer la vérité,[1] et avec le grand Pape Innocent iii que la fausseté ne doit pas être tolérée sous le voile de la sainteté.[2]

  1. Melius est ut scandalum nascitur quam veritas relinquatur.
  2. Falsitas sub velamine sanctitatis tolerari non debet.