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AVANT-PROPOS


Les deux lettres qui suivent ont été remises à Mgr de Montréal la première à sa date, la seconde, à la date de son Postscriptum, par suite d’une circonstance particulière que j’y explique. Je les ai toutes deux augmentées, pour publication, de considérations nouvelles et de plusieurs faits importants au soutien des divers points de vue des questions que j’y discute.

Il y a si longtemps que l’idée ultramontaine la plus exagérée, que la prétention à la suprématie absolue du Pape sur le temporel, se prêchent sur tous les tons au milieu de nous ; il y a si longtemps que les représentants de cette idée ont réussi d’étouffer la discussion libre et se donnent leurs coudées franches parcequ’ils croient nous avoir amenés au point de pouvoir parler seuls ; il y a si longtemps que l’on nous sert comme articles sérieux, comme définitions obligatoires, de simples amplifications de collège, de purs verbiages d’élèves de rhétorique, où l’on se montre aussi neufs sur les principes du droit public que sur les faits de l’histoire ; que j’ai regardé comme un devoir de présenter l’autre point de vue de la question et de montrer où nous mènerait la réalisation de l’idée ultramontaine. Je ne prétends certes pas avoir traité la question à fond, car ce n’est pas en 180 pages que je pouvais l’élucider d’une manière suffisante. J’ai seulement voulu poser une base, pour la discussion future, au point de vue que je soutiens. J’ai dit des choses que l’ultramontanisme déguise toujours le plus possible, ou écarte complètement des discussions. Il a toujours un masque ! J’ai voulu lui arracher ce masque et montrer sa vraie figure. Aujourd’hui comme à toutes les époques de l’histoire il dit bien rarement ce qu’il pense et déguise presque toujours ce qu’il sait.

Il nous parle constamment de droit chrétien, mais jamais il n’ose le définir tel qu’il le veut, ou tel qu’il l’a fait. Il sait qu’en jetant parmi nous le mot de droit chrétien, il créera une impression favorable. Il sait que la proposition d’appliquer le droit chrétien sans développer ce qu’il entend par là, sera regardée par une population confiante et peu instruite comme la meilleure chose que l’on puisse lui proposer. On est naturellement porté à croire que le droit chrétien doit découler de la grande maxime : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas que l’on vous fasse ; » et tout droit qui repose sur cette base est parfait. Malheureusement ce n’est pas là le droit chrétien que l’ultramontanisme veut appliquer. Son droit chrétien au contraire, tel qu’une longue pratique de l’arbitraire en tout ordre d’idées l’a façonné, son droit chrétien est pratiquement le contre-pied de cette grande maxime. Ceux qui ont un peu suivi l’ultramontanisme dans la suite des siècles, savent que son droit chrétien nous vient en droite ligne des fausses décrétales et se résume définitivement dans le mépris de tout droit social, politique ou constitutionnel. Le droit chrétien, dans le système ultramontain c’est le seul bon plaisir du Pape ; c’est l’absolutisme d’un homme en tout ordre de choses et d’idées ; c’est la négation de toute souveraineté nationale comme de tout libre-arbitre individuel. Dans ce système il n’y a pas de ques-