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tion politique ou administrative qui ne ressorte en dernière analyse du contrôle de la curie romaine.

Le pape actuel n’a-t-il pas déclaré que l’immunité ecclésiastique était essentielle au bon gouvernement de l’Église et des états ? Et qu’est-ce que l’immunité ecclésiastique ? Ce mot a l’air bien innocent en apparence. Partout où l’on voit le mot ecclésiastique, on est très porté à croire qu’il ne s’agit que de charité et d’amour. Qu’est ce donc que l’immunité ecclésiastique ?

C’est le droit pour le Clergé de ne supporter aucune des charges de l’état ! C’est le droit pour le prêtre d’être exempt de toute taxe pour les améliorations publiques ! C’est le droit pour le Clergé d’accaparer les fortunes particulières par la captation testamentaire sans que l’état ait le droit d’intervenir ! C’est le droit pour l’Église d’acquérir, de posséder, d’administrer et de ne jamais se dessaisir, quelque désastreux que soient ses accaparements de propriétés sur la prospérité d’un pays ! C’est le droit pour l’Église de soustraire les prêtres à la juridiction des tribunaux civils ! C’est même le droit de défendre aux tribunaux civils la connaissance des crimes des ecclésiastiques ! C’est le droit pour le prêtre de contrôler l’action politique du citoyen, comme le droit pour le Pape de casser ou annuller arbitrairement les lois passées par le pouvoir public de l’état ! C’est le droit pour les Évêques de déclarer excommuniés les juges qui condamnent un ecclésiastique à payer une dette à un laïc ! C’est le droit pour le Pape d’exiger des gouvernements la création de tribunaux ecclésiastiques pour juger toutes les causes de quelque nature qu’elles soient, criminelles, civiles ou municipales, dans lesquelles un ecclésiastique est intéressé ! C’est le droit pour le Pape d’empêcher une nation de se donner telle constitution qu’il lui plaît de choisir et de la déclarer nulle si elle viole l’immunité ecclésiastique. Toutes les constitutions libérales que les nations se sont données en ce siècle ont été censurées ou réprouvées par la Cour de Rome.

Je m’attends bien à voir les ignorants ou les fourbes se récrier devant pareil récit et affirmer bien hautement, bien sincèrement surtout, que je charge le tableau et que l’on ne pense à rien de tout cela ; que je calomnie le Pape et le Clergé et qu’il n’est aucunement question de ces choses. Et ici je réponds : C’est justement là que vous trompez le peuple dans vos journaux ! Vous ne dites pas ce que vous voulez ! Vous ne dites pas ce que vous savez ! Qu’était-ce donc que les lois Siccardi en Italie ? La simple abolition de quelques immunités ecclésiastiques du genre de celles que je viens de relater ; l’assujettissement des ecclésiastiques au droit commun ; l’abolition des lois ou coutumes exceptionnelles qui faisaient du Clergé un état dans l’état. L’Archevêque de Turin n’a t-il pas excommunié le ministre Santa Rosa qui avait fait adopter ces lois ? Le Pape n’a-t-il pas approuvé l’Archevêque et flétri le principe de ces lois, principe que l’Église avait été forcée de reconnaître partout excepté en Italie ? Pourquoi ce qui était permis dans tous les états catholiques était il damnable en Italie ? Mais là on se croyait encore assez fort pour enrayer le progrès.

Au reste il est un raisonnement bien simple qui démontre combien l’ultramontanisme est peu sincère quand il affirme ne pas songer à rétablir les immunités ecclésiastiques. Plusieurs conciles et plusieurs papes ont déclaré ces immunités de droit divin. Or le droit divin ne change pas ; et si l’on se conforme forcément à ce que l’on appelle le malheur des temps, c’est-à-dire si l’on accepte malgré soi les nombreuses victoires de la raison laïque sur la raison ecclésiastique, on n’en est pas moins obligé quand on le peut de maintenir ce que l’on a déclaré être de droit divin.

Et quand on a une fois déclaré qu’il était de droit divin qu’un ecclésiastique coupable d’un crime ne fût jugé que par une Cour ecclésiastique, on n’est plus libre de renoncer à ce droit, on est obligé de chercher à le rétablir partout. On trompe donc le public quand on affirme que l’on ne songe à