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dehors des responsabilités sociales ordinaires, s’imaginent être aussi au-dessus des lois de la bienséance, de la charité, et du respect des droits et de la réputation d’autrui. Nous ne voulons plus que sous le faux prétexte de défendre la religion, un prêtre fanatique ou ignorant fasse de la chaire de vérité un tréteau de carrefour, et adresse à ceux qui vont prier Dieu des paroles que jamais les gens bien élevés n’échangent entre eux.

La nature de la défense dépendra donc dorénavant de la nature des aggressions. Quand un prêtre ne traînera pas la politique dans la chaire, nous saurons lui montrer le respect auquel a droit un homme sage revêtu de ce caractère. Quand on n’attaquera pas les individus, nous saurons respecter les personnes. Mais quand les aggressions atteindront la vie privée, la réputation générale, et surtout qu’elles partiront de la chaire, alors nous saurons ce que nous devrons faire et nous serons prêts. Nous ne nous laisserons plus insulter et calomnier sans montrer ce que sont nos diffamateurs.

Je suis surpris que tant de membres du Clergé ne paraissent pas se douter de ce que pourraient riposter bien souvent ceux qu’ils attaquent avec tant d’aigreur, si ceux-ci n’étaient pas plus raisonnables et plus sensés qu’eux !

On a peine à concevoir comment le Clergé ne voit pas le danger qu’il y a pour lui à laisser sans mot dire un si grand nombre de ses membres blesser toutes les convenances religieuses et sociales par leur obstination à faire servir la chaire de véhicule à leurs passions politiques ou à leur esprit de domination sur ceux qui les entourent. Nombre de conciles l’ont péremptoirement défendu ; nombre d’Évêques éminents en ont fait ressortir le danger ; l’esprit de l’évangile comme l’intérêt bien entendu du corps y sont opposés ; des plaintes nombreuses se sont fait entendre ; de graves inconvénients en ont surgi ; mille haines locales en ont été la suite ; mille embarras en sont sortis, et pourtant l’abus grandit toujours ! Et la seule explication possible de la longue tolérance des Évêques est que cet abus profite à la hiérarchie au point de vue de sa suprématie temporelle. Ce n’est pas la première fois, du reste, qu’un Clergé aura fait passer les intérêts de sa domination avant les intérêts bien entendus de la religion. Combien de fois n’a-t-on pas vu la Cour de Rome ou les églises nationales sacrifier celle-ci au profit de celle-là ?

Et voilà ce que l’on fait ici aussi. Pour amener peu à peu le pouvoir civil à se compromettre vis-à-vis du Clergé, on lui a fait sentir la puissance du corps sur les masses ; on a fait ou toléré mille choses que la religion réprouve, que les Conciles ont défendues, mais qui tendaient à faire comprendre au torysme local qu’avec le Clergé pour allié il pourrait se maintenir indéfiniment au pouvoir malgré une administration corrompue de la chose publique ; mais il était bien entendu qu’il ne refuserait rien au Clergé.

C’est ainsi par exemple que celui-ci a accepté la Confédération à la condition expresse qu’on lui laisserait la haute main sur l’instruction primaire, le plus grand de tous ses moyens de domination après le confessionnal ; et le marché a été conclu sur cette base entre lui et des ministres parjures à leurs devoirs et à leur mission. De là ces déplorables mandements qui resteront dans notre histoire comme des monuments éternels de l’esprit antinational du Clergé, et dans lesquels on recommandait au peuple de sanctionner la violation du plus cher de ses droits, celui d’être consulté sur l’organisation des institutions qui doivent le régir. De là l’ensemble avec lequel le Clergé a mis au ban de l’opinion les hommes qui réclamaient contre la vente des droits du pays, vente consommée par des ministres récompensés depuis par des faveurs et des titres ; vente faite avec la pleine approbation des Évêques qui s’occupent infiniment peu, ici et ailleurs, que les droits d’un peuple soient violés et anéantis si leurs prétentions à contrôler le temporel sont admises. Peu de personnes encore parmi nous comprennent ces choses ! Peu de personnes connais-