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de pallier ces aberrations et ces extravagances de l’ultramontanisme ; mais ceux qui vont aux sources au lieu de se laisser tromper par les falsificateurs de notre époque savent parfaitement à quoi s’en tenir sur le système et sur les hommes qui le défendent aujourd’hui. Il a sa source dans la plus colossale fraude de l’histoire, les fausses décrétales, et va bientôt mourir sous les arrogances et les mensonges de ses défenseurs du jour. Toutes ces prétentions choquent trop la conscience, la raison et le bon sens pour n’être pas bientôt reléguées parmi les plus déplorables écarts de la raison humaine.

Eh bien, où a conduit toute cette savante tactique d’un corps où l’on ne se rétracte jamais quels que soient les torts individuels ou collectifs ? À démontrer aux hommes indépendants que si l’on ne met pas une barrière à l’esprit de domination du Clergé, il n’y a pas de liberté possible dans un pays ; à leur faire sentir, par les abus journaliers que le Clergé introduit dans tous les détails de la vie sociale et politique, et surtout par l’odieux abus qu’il fait constamment des choses saintes pour dominer les simples et les faibles, que là où il n’y a pas de lois sévères pour le maintenir dans de justes bornes, il ne respecte pas plus les institutions et les lois que les droits individuels et les convenances publiques ; qu’il ne se sert de son influence sur les masses que pour broyer sans pitié quand il le peut tout ce qui n’est pas à genoux devant lui et jeter systématiquement le discrédit sur tous ceux qui ne veulent pas se faire ses esclaves de cœur et de pensée, sur tous ceux enfin qui défendent les libertés publiques contre ses empiètements constants ou contre les fautes du pouvoir qu’il soutient parcequ’il le contrôle. On sait combien le Clergé est habile à miner sourdement, quand il n’est pas assez fort pour les combattre à ciel ouvert, les gouvernements qui mettent un frein à sa soif de dominer tout dans l’état.

Nous avons vu depuis deux ans à quel point de déraison le Nouveau Monde, tout récemment approuvé par V. G., a pousse ses théories sur l’omnipotence du prêtre. Ce sont les aberrations absolutistes des bulles Unam Sanctam, Clericis laïcos, In Cœna Domini, Supernæ dispositionis, Cum ex Apostolatus officio, et plusieurs autres, que l’on nous présente comme obligeant les consciences catholiques. Toutes ces bulles, qui ont pour objet de soumettre en tout le temporel à la domination ecclésiastique, violent tout à la fois le droit naturel, le droit social, le droit politique, le droit civil ; bouleverseraient tous les gouvernements du monde si elles étaient acceptés, rendraient toute législation impossible, et mettraient à néant l’indépendance des nations. D’après leurs dispositions, les laïcs ne sont plus rien dans l’état qui ne doit rien se permettre sans l’assentiment des Évêques. C’est le glaive temporel au service du seul souverain du monde, le Pape.

Autrefois dans l’Église on prenait au sérieux les textes : « Mon royaume n’est pas de ce monde, » « Remettez votre épée au fourreau ; » « Les rois des nations les dominent, il n’en sera pas ainsi parmi vous, » et nombre d’autres. Aujourd’hui non-seulement on a mis tout cela de côté, mais l’ultramontanisme, par la bouche de Roccaberti, a contourné ces textes de manière à en changer entièrement le sens et à en tirer l’affirmation de la suprématie cléricale sur le temporel ! Il a altéré toute la tradition, fait la leçon aux pères de l’Église, relégué St. Grégoire le Grand sur les tablettes, et a non-seulement déclaré le pape infaillible, mais impeccable aussi et l’a proclamé saint par le seul fait de sa promotion. (Voir le Dictatus Papæ, de Grégoire VII, qui en réfère là-dessus aux décrétales du pape Symmaque, décrétales qui n’ont jamais existé, et sont des faux de Pseudo-Isidore.)

Et quel sera le résultat de tant d’efforts et de tactique ? C’est que comme il n’y a pas aujourd’hui dans l’univers chrétien un seul gouvernement qui pourrait subsister deux heures en acceptant ces prétentions comme règle de conduite, il faut les regarder tout simplement comme un legs des temps