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« Tous les vices de toutes les espèces de gouvernement sans leurs avantages, réunis dans un seul gouvernement, a dit un grand écrivain moderne ! Certes ce n’est pas sans raison que la Providence a décrété sa chute.

On nous parle bien du rétablissement de la Papauté sous Pie VII et l’on en déduit le triomphe prochain de Pie ix ; mais qui donc a rétabli Pie VII sur son trône ? Les despotismes européens. Eh bien, regardez donc un peu autour de vous et comprenez ce que vous voyez — et nunc intelligite ! — Où sont donc les despotismes qui pourraient aujourd’hui refaire un Pape-Roi ? Pourquoi la Providence les a-t-elle tous laissés tomber ? Ne serait-ce pas peut-être pour assurer l’unification d’une grande nation toujours morcelée et nullifiée par l’ambition des Papes ? Ne serait-ce pas aussi peut être pour rendre impossible le rétablissement de la Papauté temporelle, dont le gouvernement était devenu pratiquement la négation de tous les préceptes de l’évangile et de toutes les notions de la justice, du devoir et du droit ? Peut-être Dieu ne voulait-il plus que son vicaire restât — avec l’Empereur de Russie — le seul despote du monde chrétien ! Despote paternel m’a t-on dit ! Oui ! les millions d’hommes qui ont pourri dans les prisons papales sons Léon xii Grégoire xvi et Pie ix, sans savoir bien souvent pourquoi ils y étaient ; et les 326 exécutés des États Romains en 1851. sont là pour prouver la clémence paternelle gouvernement ecclésiastique ! Non ! il est évident à qui ne ferme pas volontairement les yeux que le doigt de la Providence est dans cette chute bien plus que les desseins et les projets des hommes !

Mettre l’humanité à la discrétion d’un pareil pouvoir, n’était ce pas l’attacher à une borne ?

V. G. fait depuis longtemps des efforts surhumains pour consacrer ici l’idée de la suprématie ecclésiastique en tout ordre de choses. Eh bien, l’on peut hardiment prédire qu’elle va voir au premier jour tout cet échafaudage factice de prétentions surannées, inadmissibles et repoussées partout, crouler de lui-même sous le bon sens public. Ses amis de vingt ans l’ont désertée après avoir mis son influence à profit, et elle aura tout simplement montré une fois de plus combien le prêtre est incapable de mûrir une idée politique acceptable et pratique !  !

« Nous ne sommes pas faits pour gouverner les hommes, » disait l’un des plus illustres prêtres qui aient visité ce pays. Et cela va de soi puisque l’idée première de tout système clérical est l’incapacité présumée des sociétés de trouver le vrai, même en droit social et politique, sans le Pape. Et cependant ceux qui ont étudié l’histoire de la Papauté à la lumière des faits historiques et non pas seulement de leurs sympathies religieuses, ont pu se convaincre qu’en droit social et politique elle a toujours été à côté du vrai. Il n’y a que ceux qui n’ont lu que M. Veuillot et ses pareils qui ignorent cela !

Et ce qui le prouve, c’est qu’aujourd’hui encore sa théorie est que les Parlements, les municipalités et les urnes d’élection sont les « os décharnés d’Ézéchiel, » et que les universités ne sont que des « cadavres fétides. » Ces belles choses sont écrites tout au long dans la Civiltà Cattolica, rédigée sous les yeux du Pape par des Jésuites qui sont dans sa confidence intime. Et, depuis le commencement du siècle, la Papauté n’a-t-elle pas condamné toutes les constitutions découlant du principe de la souveraineté du peuple et consacrant la liberté de conscience et des cultes ? Donc il faut détruire les institutions populaires et tous les établissements d’éducation que le Clergé ne contrôle pas ! Il faut aussi recommencer la proscription contre les hérétiques et redemander la monarchie absolue, seule institution qui soit selon le cœur de la Papauté. Voilà le régime par excellence parceque le confesseur du Roi est souvent plus roi que lui puisqu’il le dirige ; et sous cet ordre de choses le Clergé fait magnifiquement ses affaires car il réussit d’habitude à s’affranchir des charges de l’état, (taxes générales et locales)