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fois lui semblaient peu intelligentes, à un véritable sentiment de devoir quoique peut-être un peu mal compris. Quelques-uns trouvaient bien aussi qu’Elle lançait un peu trop volontiers l’anathème, pensant sans doute avec Origène : « que le prêtre est placé dans le monde pour aimer et non pour maudire ; » et avec, le pape Benoit xiv : « que la main de l’Évêque ne doit jamais se lever que pour bénir. » Mais l’anathème est devenu si fréquent sous les derniers papes que l’on semble le regarder comme un moyen indispensable de gouvernement. Il représente aujourd’hui dans les grandes affaires l’ancienne férule du magister dans les petites. La masse ignorante qui ne juge que sur ce qu’on lui dit à l’église donnait donc le tort aux membres de l’Institut. Mais qu’avons nous vu dernièrement ?

Pour atténuer l’effet du dernier décret de Rome — que V. G. ne veut pas publier quoiqu’il soit sorti depuis six mois — et aussi pour agir fortement sur l’opinion au moment de la grande lutte qu’Elle allait entreprendre contre l’Archevêque et l’Université Laval, V. G. a préparé de longue main une grande démonstration dans laquelle le malencontreux décret serait noyé sous les flots d’encens qui Lui seraient prodigués. La démonstration réussissant, Elle aurait peut être un dernier moyen d’agir sur la Propagande pour faire modifier le décret qui lui cause tant de chagrin. Comme personne ne se pressait d’agir, l’Évêché prit lui-même l’initiative et les fidèles du Diocèse furent invités à célébrer la 50me année de prêtrise de V. G. Ils ont sans doute répondu grandement à l’appel, mais le fait restera toujours que ce n’est pas d’eux qu’est venue l’initiative, et que si le branle n’eût pas été donné par l’Évêché lui-même, la démonstration se fût réduite à d’assez minimes proportions.

Mais le branle une fois donné, V. G. fit habilement les choses. Des blancs d’adresse furent donc imprimés aux frais de l’Évêché et distribués partout ; puis une pression adroite fut exercée sur les individus dont on attendait du zèle ; sur les confréries, sur les corporations laïques où l’on comptait des amis. Les adresses vinrent donc de toutes parts et V. G. obtint un grand succès moral et surtout un énorme succès pécuniaire, chose qui réjouit toujours l’Église. Au reste tout cela est de bonne guerre et je n’ai ni la volonté ni le droit de blâmer ceux qui ont bien voulu souscrire largement pour bâtir en plein centre protestant une cathédrale catholique que l’on semble ainsi éloigner de parti pris du noyau de population qui fait la force de V. G. Quand une population ne comprend pas le mal qu’on lui fait, à elle la responsabilité de sa trop grande confiance en des hommes qui en abusent ! Je constate donc le plus grand succès de la vie de V. G.

Mais au point culminant de toute l’affaire, on a malheureusement trop forcé la note, et nous avons vu ce dont un prêtre est capable en fait de représailles longuement combinées quand il est en état d’hostilité décidée contre d’autres prêtres. Dans une occasion qui devait être toute de sympathie et de bon vouloir mutuel ; dans cette grande fête de famille où l’on devait au moins suspendre toute idée de rivalité ou de conflit, et remettre avec soin toute dissidence à un autre jour ; quelques notes terriblement discordantes sont venues frapper le public de stupeur. Après avoir vu inviter tant d’Évêques et de prêtres à venir joindre leurs félicitations à celles du Diocèse, le public était à cent lieues de prévoir l’injure qui leur serait offerte en pleine église Notre Dame. Il était loin de prévoir aussi qu’acceptant l’hospitalité dans l’Église du Séminaire en quelque sorte puisqu’elle lui doit l’existence, V. G. permettrait à tant d’observations de la plus flagrante hostilité contre ses membres de s’y faire jour sans la moindre observation de sa part.

Et ici, Mgr, on n’a pas la ressource ordinaire de dire qu’il n’y a que les impies qui aient fait semblant d’être froissés, car il y avait huit personnes sur dix dans l’énorme auditoire qui en ont été péniblement impressionnées ; et non pas seulement les laïcs, mais