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Voilà Mgr, en toute franchise l’impression produite. Vos flatteurs ne vous le diront pas, mais moi, je vous dis ici la vérité toute une comme je reconnaîtrais avec plaisir le contraire s’il y avait lieu. Et cette impression générale, Mgr, est confirmée par les indiscrétions inévitables des amis zélés qui ne savent pas démêler ce qu’il ne faut pas répéter. Des intimes de l’Évêché ont dit à plusieurs personnes et à moi même — Que devait penser l’Archevêque quand un prêtre qu’il a renvoyé de son Diocèse lui définissait si bien le gallicanisme et lui montrait ce que l’Évêque de Montréal sait faire ? — Tiens, ai je dit, on l’a donc fait exprès pour l’insulter ? — Oh non, mais il est bon quelquefois de montrer aux gallicans le mauvais côté de leurs idées. — Alors, c’est pour leur dire leurs vérités que l’on a invité les susdits gallicans ? — Mais Mgr de Montréal ne pouvait faire autrement que d’exposer la vraie doctrine romaine dans une occasion aussi solennelle. Tant pis pour ceux qu’elle offusque. » Voilà pour une indiscrétion.

Mais voici venir un autre intime qui nous parle du grand nombre de malades qu’il y avait dans l’Église de N.-D. et du petit nombre des grands malades. Laissons les petits malades puisqu’il y en avait tant ; mais quels étaient donc les grands malades ? Nécessairement l’Archevêque, puis quelques Évêques, puis les prêtres de St. Sulpice, puis enfin les prêtres étrangers qui ont trouvé les remèdes amers. À qui l’expression « grands malades » peut elle s’appliquer sinon à cette portion des invités ? C’est encore un des intimes de l’Évêché qui parle ainsi : « Il ne fallait pas, dit-il, manquer cette occasion providentielle. » On a donc eu l’intention de ne pas la manquer. Le public a donc raison de dire que l’on voulait donner une leçon. Qui voulait la donner ? Était-ce seulement le père Braun ? N’y avait-il donc pas de bien plus hauts personnages que lui encore plus hostiles à l’Archevêque qu’il ne l’est ? Ceux qui nient toute intention de donner une leçon s’imaginent donc que nous ne voyons pas ce qui nous crève les yeux !

« On a donné le remède à haute dose, » dit un autre intime. Serait ce le hazard seul, le pur hazard, qui a administré cette dose ? Et à qui l’a t-on servie ? Certainement pas à V. G. Donc à ses invités ! Où est le moyen terme ? Il n’y en a pas. C’est à V. G. ou à l’Archevêque que les remèdes amers ont été offerts, que la haute dose a été donnée. On ment donc impudemment quand on dit que l’on n’a jamais songé à donner une leçon.

Maintenant après avoir bien souffleté les gens, on se retranche derrière la nécessité de développer la doctrine !

Cette hypocrisie appartient d’abord au Nouveau-Monde, le plus intime des intimes. Le public n’est pas dupe de tous ces pieux subterfuges, Mgr, surtout quand nous voyons la guerre recommencer immédiatement avec plus d’acharnement que jamais.

D’ailleurs le Nouveau-Monde n’a-t-il pas dit en toutes lettres qu’il fallait profiter de cette grande réunion de toutes les parties du Diocèse et du pays pour affirmer hautement les idées romaines ? N’a-t il pas aussi parlé de triomphe remporté ? Et remporté sur qui ? Nécessairement sur les gens qu’il nous a lui-même appris n’être pas assez romains. Et qui sont ces gens ? Sans doute ceux qui se sont défait de l’esprit romain. Et qui donc s’est défait de l’esprit romain ? Eh bien nous ne le savions pas, mais le Nouveau-Monde nous l’a bien clairement expliqué il y a deux ans. Ce n’est ni plus ni moins que l’Archevêque. J’ai conservé et collé l’intéressant passage dans mon calepin, car j’ai compris dès lors ce qui se préparait.

Avec cela tout s’explique à merveille. L’Archevêque s’est défait de l’esprit romain, ce qui explique pourquoi il a soumis un document gallican au dernier concile de Québec, fait abominable qui mérite bien une leçon, et un remède à haute dose à ce grand malade ! Puis il a fait un rapport à Rome où il n’a pas complètement approuvé V. G. en tout ; et puis il est venu ici recevoir le Pallium, chose qu’il aurait tout aussi bien pu faire chez lui… Voilà donc un homme auquel il était plus qu’à propos de dire carrément