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son fait. Invitons le donc à la fête, et pour bien lui défiler tout ce que nous avons sur le cœur, choisissons pour ce faire le prêtre même qui a dû déguerpir du Diocèse de Québec parceque là aussi, inspiré sans doute par le plus pur esprit romain, il faisait en pleine cathédrale la leçon à son Archevêque. Certes Mgr, le nombre des malades, et surtout des grands malades, semble devenir alarmant dans le Clergé. Et l’on viendra ensuite nous dire arrogamment que nous ne sommes pas assez respectueux envers des prêtres qui se traitent ainsi les uns les autres ! Non ! Mgr, il y a dans tout ce que nous avons vu une logique des faits que toutes les dénégations hypocrites du Nouveau-Monde ne sauraient détruire. La conviction a aujourd’hui succédé à la première impression créée et restera.

Et si vraiment, malgré des rapprochements si palpables et des faits si concluants ; si vraiment il n’y a eu aucune intention chez personne d’être désagréable à quelqu’un, eh bien franchement, il vaudrait presque mieux, pour les directeurs de la démonstration, admettre cette intention que de confesser par leurs dénégations la singulière incompétence que tant de gaucheries d’un si fort calibre démontrent visiblement.

Et je ne puis pas beaucoup me tromper dans l’appréciation que je fais ici puisque tous les prêtres étrangers au Diocèse et nombre de ceux qui lui appartiennent ont compris les choses comme je les constate, et en témoignent à qui veut les entendre leur indignation bien caractérisée et bien réfléchie.

Et les assistants n’ont pas davantage omis de remarquer quelle grande part incombait au Séminaire dans toute cette savante stratégie, et la singulière inconvenance de choisir sa propre église pour y tenir ses membres sur la sellette pendant plus d’une heure ; et cela si peu de temps après que le lourd auteur de la comédie infernale avait reçu les ordres de la main de V. G. qui sanctionnait ainsi solennellement aux yeux du public tout ce qu’avait tracé cette plume saturée de fiel et d’hypocrisie.

Quand les faits s’enchaînent si bien, Mgr, il n’y a pas moyen pour les hommes sensés de croire à la sincérité de ceux qui nient clairement l’évidence. Et quand une fois leur manque de sincérité est bien établi sur un point, les suppositions raisonnables et les doutes fondés peuvent aller fort loin.

Et le fait est, Mgr, que nous n’en sommes plus aux suppositions. De sourde qu’elle était, la guerre est devenue ouverte, acharnée. Il devient évident que pendant l’averse de compliments que les noces d’or faisaient pleuvoir, chacun se réservait in petto de ne perdre ni un coup de dent ni un coup de griffe quand les embrassades seraient finies. Il est clair aussi que tout en répondant affectueusement de bouche à l’adresse du Séminaire, V. G. pensait en elle-même : « Attendez, attendez, mes chers coopérateurs ! Je vous tiens en réserve un bon petit plat de ma façon ! » Et en effet, dès le dimanche qui a suivi la grande cérémonie et l’administration affectueuse des remèdes amers, V. G. en dépit du décret de Rome, voire même de la sainte obéissance, recommençait le feu avec plus de vigueur qu’auparavant. Les compliments sans fin, les étreintes de l’amitié et les encensements réciproques n’avaient signifié qu’une courte trêve, et la lutte se fait plus que jamais aujourd’hui unguibus et rostro.

Ces démonstrations amicales « dans le Seigneur, » pour se déchirer en toute conscience le lendemain ne se voient pas entre laïcs, Mgr ! Et il est parfaitement clair encore que pendant que l’Archevêque était ici son invité, V. G. et les Rév. Pères Jésuites arrangiez ensemble le grand plan de campagne relatif à l’université, mais pas un mot, pas un geste, n’en laissèrent rien soupçonner. On s’est contenté de la leçon aux gallicans et des hautes doses aux grands malades. Mais l’Archevêque n’était pas plutôt rendu à Québec que le Supérieur des Jésuites y arrivait sur ses talons ayant en poche ses pétitions et son projet d’université au moyen duquel on espère remettre à flot un établissement en péril.