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affirmant que les propriétaires d’une bibliothèque publique étaient passibles des censures ecclésiastiques pour le seul fait qu’elle contient des livres à l’index, — car c’est un fait démontré par le décret même que V. G. n’a pu obtenir cela ; — Elle aura, toujours d’après le système développé par mes deux autorités, dit à la sainte congrégation : « Ah ça, puisque vous ne voulez pas confirmer mes censures contre les propriétaires de bibliothèques publiques, donnez moi toujours une condamnation quelconque contre l’Institut qui sauve ma dignité aux yeux des aveugles de mon Diocèse. D’abord c’est un nid de libéraux que cet Institut, voyez ce qui s’y dit. » Et V. G. tendit mon pauvre discours sur la tolérance où j’ai commis l’irrémissible crime de prêcher un peu la modération et la charité aux ecclésiastiques, ce qui équivaut presque, à leurs yeux, à supposer une imperfection à Dieu lui-même. La sainte congrégation trouva donc la chrétienne combinaison que voici :

« Ce discours sur la tolérance n’a rien d’anti-catholique, mais il n’est pas assez ultramontain. Et puis l’auteur donne quelque peu à entendre que nous pourrions bien être « des violents et non des pasteurs, » comme disait notre ancien St. Grégoire le grand, qu’il nous faudra peut être mettre aussi à l’index, si l’on se met à citer les portrait anticipés, mais si ressemblants, qu’il a faits de nous. L’auteur semble d’ailleurs insinuer qu’au moyen de leur conscience et de leur raison, les hommes peuvent arriver au vrai, chose que nous ne pouvons tolérer puisque ce serait admettre que l’on peut se passer de nous. Nous allons donc le condamner mais sans indiquer où est le mal. C’est un moyen toujours infaillible de faire supposer les livres pires qu’ils ne sont par les aveugles. Puis, comme le discours a été prononcé devant l’Institut, affirmons comme si c’était prouvé, que les principes qu’il émet forment l’enseignement de l’Institut et que conséquemment l’Institut a des principes pernicieux. Quant à la question des livres, n’en disons mot. Il faut bien faire ce petit plaisir à notre bon Évêque de Montréal. »

Voilà le modus operandi de toute la manœuvre relative à l’Institut que l’on peut très raisonnablement inférer des adroites explications de nos deux prêtres. Et l’on a vu cette odieuse violation des plus simples règles de la justice : rendre tout un corps responsable des paroles de l’un de ses membres, paroles où l’on n’indique pourtant pas ce qui est répréhensible ! Et l’on a vu de plus le scandale que voici : déclarer ce corps coupable d’enseigner des principes pernicieux sans l’entendre, et sur la seule affirmation de l’accusateur ! Si on lui avait communiqué l’accusation, il aurait informé le juge qu’il n’avait aucune espèce d’enseignement quelconque, et l’on n’aurait pas pu le condamner, ce qui eût gâté tout l’effet. En ne lui en parlant pas, la condamnation allait de soi. Et l’on a vu encore cet autre scandale : rendre un décret sur une accusation portée en l’absence et hors la connaissance des intéressés ; et rester muet comme la tombe sur la question soumise par les intéressés eux-mêmes !  !

Voilà ce que l’on peut obtenir à Rome en employant les moyens voulus. D’après le Nouveau Monde lui-même, tout dépend de la manière de poser la question. L’Archevêque l’ayant posée d’une certaine manière, l’Évêque de Montréal pouvait avoir tort ; mais si l’Évêque de Montréal eût posé la question à sa manière à lui, oh alors, c’est l’Archevêque qui aurait eu sur les doigts ! Ne voilà t-il pas une intelligente manière de faire apprécier la sagesse des saintes congrégations romaines ? Il devient dès lors évident que je n’avais pas suffisamment étudié la manière de poser une question à Rome.

J’avais tout bêtement cru que la justice et la conscience étaient les seules raisons déterminantes des actes de la sainte curie, et voici deux prêtres qui viennent m’informer que pour obtenir d’elle un éloge ou une condamnation il suffit de savoir arranger sa question. Avec de l’adresse, suivant l’un de ces