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Cette démarche a mis plus que jamais le feu au poudres ecclésiastiques, et nous ne voyons plus qu’un feu roulant d’articles tapageurs dans les journaux religieux, où personne ne dit la vérité si l’on en croit les deux camps ; puis un formidable chassé-croisé de lettres épiscopales, d’affirmations solennelles pastoralement accueillies de démentis aussi solennels ; et ce qui reste de plus clair pour le public dans tout ce grand conflit ecclésiastique, c’est que les princes de l’Église eux-mêmes ont fait pleurer la vérité, et surtout que l’esprit de parti entre ecclésiastiques rejette bien loin dans l’ombre l’esprit de parti entre laïcs !

Nous avons donc marché de surprise. Nous avons vu V. G. donner le démenti à l’Archevêque, puis s’autoriser du nom du Cardinal Barnabo, et voilà que tout à coup, comme le dernier coup de tonnerre d’un jour d’orage, le télégraphe, rapide comme la pensée, rapporte de Rome une réponse du même Cardinal, qui donne raison à l’Archevêque et tort à V. G. ?  ! Certes il faut bien admettre que si V. G. a joué serré à l’adresse de l’Archevêque en l’invitant à ses noces d’or, celui-ci le lui a rendu avec usure par son télégramme.

Et comme il fallait bien que le Nouveau Monde couronnât tout ce grave conflit par quelques grosse ineptie, voilà la sainte feuille qui vient finement nous informer qu’en s’y prenant d’une certaine manière, comme des initiés, on obtient ce que l’on veut à Rome. Le révérend M. Pelletier nous en avait déjà dit autant, il y a quinze jours, à propos des éloges décernés par la Civiltà Caltolica au Révd M. Paquet pour son pamphlet intitulé « le Libéralisme. » Ce Monsieur n’aurait, d’après son confrère, obtenu les susdits éloges qu’au moyen de certaines manœuvres… de certaines intrigues etc., etc., etc.

Serait-ce donc aussi par des manœuvres et des intrigues que l’on obtient à Rome la condamnation des absents ? V. G. doit en savoir quelque chose. Et ici une idée me frappe. Si au moyen d’intrigues adroitement ourdies, on peut si facilement faire louer à Rome ce qui est condamnable, pourquoi donc, avec un peu de savoir faire, n’y ferait on pas aussi condamner ce qui n’est pas condamnable ? L’un n’est clairement pas plus difficile que l’autre. Puisque les illustres membres des saintes congrégations ne savent pas toujours ce qu’il faut louer, comment serait-on tenu de croire qu’ils savent toujours d’une manière certaine ce qu’il faut blâmer ? Quoi, ils loueraient si facilement par surprise et ne condamneraient jamais de la même manière ! Et ce sont des prêtres qui nous suggèrent ce point de vue !

Ah, je m’explique aujourd’hui bien mieux que jamais pourquoi des théologiens instruits n’ont pu m’indiquer ce que j’avais pu dire de pervers dans celui de mes pamphlets auquel, on a fait les honneurs de l’index ; et aussi pourquoi V. G. elle même n’a pas osé me l’indiquer non plus quand je le lui ai demandé. La congrégation de l’index lui aura peut-être rendu un service au lieu de rendre un arrêt, au contraire des anciens Juges français qui avaient d’autres traditions et pensaient qu’une cour doit rendre des arrêts et non des services. Au reste, d’après le système que nous dévoilent et nous expliquent le Nouveau Monde et le Révd. M. Pelletier, on comprend à peu près comment V. G. a pu procéder. Elle n’aura eu qu’à dire à la Ste. Congrégation : « Tenez, il faut me condamner ce pamphlet afin de dépopulariser l’importun qui se permet de disséquer mes paroles et mes actes. Il est important d’ailleurs de donner une leçon à nos libéraux canadiens. » On sait quel magique effet produit à Rome, le mot « libéral, » et le discours a été mis à l’index comme contenant des principes pernicieux, mais sans en indiquer un seul, ce qui est infiniment plus commode. Qui sait d’ailleurs si l’on n’a pas été surpris comme pour les éloges décernés au Révd. M. Paquet, d’après le Révd. M. Pelletier, on comme pour la réponse à l’Archevêque d’après le prêtre du Nouveau Monde ? Et pourquoi la même chose n’aurait-elle pas eu lieu pour mon pamphlet ?

Ne pouvant obtenir une décision