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pour lire un certain nombre d’écrits. Et comment le Pape examinerait-il personnellement ce qui se décide dans les vingt-quatre congrégations ou ministères qui se partagent les affaires de la catholicité ? Seraient-ce les saintes congrégations qui jugent infailliblement ? Personne ne l’a jamais prétendu. Sur quoi donc le Pape, s’il s’en mêle personnellement du tout, jugera t-il les questions pendantes par exemple entre V. G. et le Séminaire, ou entre l’Archevêque et V. G. ? Il ne peut évidemment le faire que sur les rapports de ses délégués, membres des divers ministères appelés, parce qu’on est à Rome, les saintes congrégations. Car tout ce qui touche au Pape est saint, et la population ignorante et fanatisée de Rome dit encore à l’heure qu’il est : « le saint cuisinier ; » et elle va même jusqu’à dire « les saintes écuries, » « les saints carrosses, » ou « les saints chevaux, » quand elle voit passer les équipages du Pape. Va sans dire que nous sommes ici plus modérés que cela en fait de distribution de titres ecclésiastiques.

Toutes les questions litigieuses se décident donc par les délégués du Pape, et je ne sache pas que le Pape, que tout catholique instruit sait ne pas être infaillible sur les questions de fait — et presque toute question litigieuse se réduit à une question de fait ; il ne s’agit nullement de doctrine dans les guerres multipliées que V. G. semble s’être suscitées à plaisir — je ne sache pas, dis-je, que le Pape puisse communiquer l’infaillibilité qu’il ne possède pas. Le pape jugerait-il lui même une question litigieuse sur un rapport de congrégation, ce rapport peut être fautif par un vice de procédure, par l’oubli involontaire ou non d’une pièce ou d’une circonstance importante ; par un renseignement erroné, par un faux témoignage même, car les témoins à Rome blessent quelquefois la vérité comme les témoins de nos cours. Comment donc une décision du Pape lui même qui serait basée sur un rapport erroné sur le fait par exemple, pourrait-elle être infaillible ? C’est donc tout simplement une tromperie des journaux religieux à l’adresse du public que de parler d’infaillibilité à propos de procès en Cour de Rome, car ces journaux, ou ceux qui parlent comme eux, ou ceux qui les inspirent, savent parfaitement qu’en fait de litiges et de procès les choses se passent à Rome exactement comme partout ailleurs. Les affaires sont étudiées, examinées de la même manière qu’ailleurs, jugées là comme ailleurs par des hommes comme nous, ayant les mêmes petites faiblesses, les mêmes idées préconçues, les mêmes préjugés, les mêmes passions que nous venons de voir se produire ici entre prêtres et Évêques, et surtout agissant sous un mode de procédure absurde dont les vices sont évidents et constatés de tout temps par les amis même de la Cour de Rome, et dont les justices laïques sont presque toutes affranchies aujourd’hui.

Tous les jours les membres de la curie diffèrent entre eux d’opinion et se livrent à des luttes personnelles bien autrement vives que nos Évêques. Faut-il rappeler les vives querelles et les échanges d’injures qui ont eu lieu entre Mgr de Mérode et le Cardinal Antonelli ? Faut-il rappeler les sanglantes insultes adressées en plus d’une occasion par certains cardinaux nobles au Cardinal Antonelli qui ne l’est pas ? Faut-il rappeler encore les antagonismes terribles qui ont quelquefois surgi entre les Cardinaux Zelanti et les Cardinaux modérés ? Faut-il rappeler les opinions sévères exprimées au dernier Concile par quelques Évêques sur l’incompétence de la curie, et encore sur les abus de l’Index ? Ce n’est pas chez les impies que je vais chercher mes exemples.

Toutes ces assertions d’infaillibilité sur les questions de purs litiges personnels ne prouvent donc que le manque complet de sincérité ou l’ignorance de ceux qui les expriment. Mais elles n’ont la plupart du temps pour objet que de faire refléter sur soi-même un faible rayon de l’infaillibilité centrale ; car chaque ecclésiastique, si j’en crois l’un de mes prêtres professeurs de pratique romaine, a sa mo-