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deste prétention personnelle à une certaine dose d’infaillibilité. Que nous dit-il en effet, des prêtres du Séminaire de Québec ? « La chose du monde dont on était le plus fortement convaincu, c’est qu’il importait grandement au principe d’autorité et à l’honneur de l’Église que l’on fût considéré comme infaillible et comme le foyer d’où rayonnait toute vérité. » C’est un prêtre, Mgr, qui nous apprend cela. Si j’eusse dit, moi, exactement la même chose, c’eût été de l’hostilité, de la calomnie, le comble de l’impudence !  ! Il est bien heureux en vérité, que quelquefois l’esprit de parti emporte les ecclésiastiques jusqu’à leur faire exprimer les vérités sur lesquelles il est si sévèrement défendu aux laïcs d’arrêter leur esprit une seule minute. C’est toujours un crime à un laïc de dire qu’un prêtre se trompe, et encore cent fois plus un Évêque. Quand les ecclésiastiques sont tous d’accord, la fonction du laïc semble se réduire, dans leur esprit, à leur faire des saints et des soumissions. Bénissons donc la Providence de ce qu’elle permet quelquefois au malin de souffler un vent de discorde sur le Clergé, car ce n’est que quand la querelle surgit entre ses membres que la vérité sur leurs petites passions se fait jour, et que nous obtenons des portraits pris sur nature par les initiés eux-mêmes. Et c’est un sensible plaisir pour les laïcs que de voir les ecclésiastiques les laisser loin derrière eux dans leurs appréciations réciproques de leurs petits défauts. Et l’un de mes deux prêtres m’en fournit encore un très frappant exemple.

Les laïcs croyaient depuis longtemps l’Université Laval un établissement irréprochable sous le rapport de l’enseignement chrétien, et à la hauteur des besoins de l’époque pour la partie scientifique. Eh bien voici un prêtre qui vient nous informer que tout au contraire : « l’université Laval est un établissement dangereux ; que son enseignement est funeste à la jeunesse, qu’il sépare la science de la religion et qu’il est de mauvaise qualité ; que cette institution, fondée et dirigée par des prêtres, est complètement dévoyée, fourvoyée ; qu’elle n’est catholique que de nom ; que c’est là surtout que l’on fait de la science sans Dieu ; qu’elle procède en véritable université athée en mettant la religion tout à fait de côté dans son enseignement »… Puis ailleurs ou nous dit que le Séminaire de Québec est à la fois « janséniste, gallican, libéral, et victime de l’ignorance la plus déplorable ; qu’il dévore l’hérésie dans la lecture des écrits des Montalembert, des Falloux, des Dupanloup, etc. » tous grands impies, c’est connu !

Mais grand Dieu, Mgr si j’avais insinué seulement le quart de ce que je viens de citer, que n’aurait pas dit V. G. qui m’a si charitablement traité de blasphémateur sans pouvoir montrer même le commencement d’une inconvenance ! Comment se fait-il que ce soient les journaux patronnés par V. G. qui attaquent avec cette exagération une institution que V. G. elle-même affirmait naguère à son Diocèse être si précieuse à la religion ? Est-ce donc que tout est permis entre ecclésiastiques qui se querellent ? Et allons-nous voir V. G. pousser l’esprit de parti jusqu’à ne rien dire à ce prêtre qui calomnie ses collègues quand Elle a été si acerbe envers moi quand je n’avais dit que l’exacte vérité sans injurier personne ? Car il n’y a pas de milieu : si ce prêtre dit aujourd’hui la vérité, Votre Grandeur a trompé son diocèse quand Elle recommandait une institution qui n’a de catholique que le nom ! En vérité Mgr, on nous fait l’effet aujourd’hui de se déchirer avec d’autant plus de détermination qu’on s’encensait davantage avant la querelle.

Nous comprenons maintenant ce que valent les éloges en style de collège et en phrases convenues que se donnent réciproquement les ecclésiastiques en toute occasion. Il est plus clair que le jour que bien souvent ces éloges se donnent à des hommes que l’on sait ne pas les mériter puisque du moment qu’une querelle surgit, les fautes cachées avec tant de soin se dévoilent impitoyablement.