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sans doute agissent en un certain sens sur la foule, agissent en sens précisément inverse sur les esprits sensés. Essayer de rendre les hommes meilleurs est un devoir, mais chercher à se faire croire meilleur qu’eux est un défaut. Ce n’est pas là servir Dieu, Mgr, mais se servir de Dieu pour des fins bien humaines et bien personnelles !  !

Je ne dirai que peu de chose ici, Mgr du sermon, au moins indiscret sons les circonstances, du Révd. P. Braun. Il n’a sans doute fait qu’exprimer les idées romaines sur la sujétion entière du pouvoir civil à tout ce qu’il peut plaire au Pape de lui ordonner, fut ce la confiscation des biens des enfants des hérétiques, disposition qui est encore en pleine vigueur dans le droit canon. Il a naturellement fallu renoncer à l’appliquer depuis que l’humanité est sortie de cette époque tant regrettée où l’on brûlait les pères pour prendre ce qu’ils laisseraient aux fils, mais on a dû voir, par l’ébahissement universel que les doctrines développées par le P. Braun ont causé dans notre société, combien ces doctrines révoltent la conscience publique. Quel est le gouvernement au monde qui va en faire sa règle de conduite ?

On ne s’arrêtera pas, je le sais, devant l’unanime réprobation qui a accueilli ces prétentions du XIme siècle ; le Clergé ne s’arrête jamais que par les catastrophes qu’il produit dans le corps social par cette soif inextinguible de contrôler tout qu’il manifeste en toute occasion. Mais est ce que V. G. et ceux qui partagent ses idées ne verrez pas enfin l’inutilité de tout le mal que l’on s’est donné pour amener peu à peu la population à accepter les yeux fermés tout ce qu’il plaît au Clergé de lui dire ? Voilà déjà vingt ans que par la chaire et la presse on affirme la subordination entière du pouvoir civil au pouvoir spirituel, et la suprématie absolue du Pape sur le temporel. Voilà vingt ans que l’on nous prêche la soumission sans réserve de l’esprit à tout ce qui nous peut venir des « saintes congrégations romaines : » et après tant de travail et de peine, tant de dépense de logique et de sophismes, le jour où l’on ose enfin exposer d’autorité ces principes dans leur simple nudité, de suite il s’élève un cri général de réprobation contre l’ambition opiniâtre du Clergé et contre la folie de ceux qui espèrent encore faire accepter ces prétentions surannées !

Personne naturellement ne veut entendre parler de cette belle « alliance de l’Église et de l’État » qui signifie tout simplement que l’État sera le domestique de l’Église — chose qu’on lui assure en tout bien tout honneur être la plus haute gloire qu’il puisse se donner — et son domestique au point non seulement de toujours reconnaître qu’elle ne saurait se tromper même dans les choses temporelles — sur les mœurs — mais aussi de lui faciliter, quand cela lui fera plaisir, même la captation testamentaire ! Béni sera l’état qui l’aidera à dépouiller les familles, excommunié sera l’état qui passera des lois pour l’en empêcher ! En termes vulgaires, I, cela s’appelle tout simplement « tenir l’échelle ; » et m’est avis qu’il est absolument possible de trouver à l’état une occupation plus honorable que celle-là. En vérité il n’y a que la plus prodigieuse incompétence comme publiciste et comme légiste qui explique l’expression naïve de pareilles doctrines. Au reste l’incompétence du prédicateur dans le domaine de la philosophie du droit saute aux yeux dans les deux phrases suivantes :

« Dieu n’est plus regardé aujourd’hui comme la source du droit et de la justice, mais c’est l’état, c’est le nombre, c’est la majorité qui prétend être la source et le principe du droit et de la justice… La force, la majorité ne font-elles pas le droit aux yeux de la sagesse moderne ? »

Celui qui parle ainsi Mgr démontre seulement ceci : qu’il n’a jamais ouvert un livre sérieux et qui fasse autorité sur la philosophie du droit ou sur le droit public. Si je voulais définir les effets de la théologie comme système de morale, pourrais-je loyalement m’autoriser des seules opinions