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guère encore c’étaient les impies que l’un représentait comme des loups cherchant à dévorer les brebis. Aujourd’hui ce sont les pasteurs, au dire d’autres pasteurs, qui sont devenus des loups ! Et il va sans dire que c’est toujours l’ultramontanisme local qui veut tout écraser autour de lui !

Et puis quelle remarquable coïncidence, Mgr ! C’est immédiatement à la suite de la grande averse de flatteries que l’on a offertes à V. G. pendant ses noces d’or ; à la suite de ces nombreuses adresses célébrant à l’envi ses transcendantes qualités intellectuelles ou son éminente sainteté, que nous la voyons permettre aux journaux qu’Elle contrôle entièrement et absolument, de nous montrer, par ce qu’ils disent des autres Évêques, ce que nous devons réellement penser de ces pompeux éloges. Toute cette grande mise en scène des noces d’or a abouti à quoi ? À nous faire décrire minutieusement par les écrivains approuvés ou encouragés par V. G. comment plusieurs de nos Évêques sont inspirés par l’orgueil, la fourberie, etc., et comment quatre d’entre eux se sont entendus pour venir faire du Clap-Trap (sic) devant le peuple et jeter de la poudre de perlimpinpin aux yeux de notre bon public !  ! (Je copie Verbatim) Certes, Mgr, voilà une fonction épiscopale dont nous n’avions pas encore entendu parler jusqu’à ce que cet édifiant catholique nous en eût rendu un compte qu’il affirme en son âme et conscience être pris sur nature ! Mais grand Dieu ! Mgr, si les Évêques distribuent de la poudre de perlimpinpin sur un sujet, pourquoi pas sur un autre ? Une fois la porte ouverte par les intimes eux-mêmes, où donc allons-nous nous arrêter ? Cela donne le vertige, Mgr !  !

Mais si un Archevêque et trois Évêques s’entendent ainsi pour jeter de cette célèbre poudre aux yeux de notre bon public, n’est-il pas absolument possible que V. G. en jette aussi sa petite part quand Elle permet sans jamais mot dire que ses flatteurs ne parlent d’Elle qu’en l’appelant : « Notre Saint Évêque ? » Ante mortem ne laudes hominem quem quam,[1] nous dit l’Ecclésiastique, si ma mémoire est fidèle. Les flatteurs de V. G. ne pourraient-ils pas un peu méditer ce passage ?

J’avais toujours cru d’ailleurs que les vrais saints n’aimaient pas à s’entendre qualifier ainsi tous les matins. Je croyais que plus on était saint, moins on aimait à se l’entendre dire, mais je puis être très mauvais juge en ces matières. Et il est absolument possible aussi que les saints du jour soient en progrès sur les saints des siècles passés. Car, si mes souvenirs me servent bien, j’ai entendu lire autrefois certaines vies de saints où je voyais que tous leurs sentiments d’humilité se révoltaient à s’entendre qualifier ainsi ; et l’un d’eux répondait sévèrement à un flatteur  : « Comment sais tu si je suis digne d’amour ou de haine ? » Et c’est, je crois, St. Philippe de Néri, homme de grande valeur personnelle, qui disait à l’un de ses prêtres : « Comment osez-vous appeler saint un homme qui peut faillir demain, aujourd’hui, à toute heure de sa vie ? Si le juste pèche sept fois par jour, où donc sont les saints parmi les hommes ? » Voilà deux belles paroles, Mgr vraies comme Dieu lui-même. Pourquoi donc faut-il que ce soit moi qui les rappelle à un public qui semble n’en avoir jamais entendu parler ?

« Les Scribes et les Pharisiens aiment… que les hommes les appellent Rabbi on Docteur. Mais vous, ne désirez pas être appelés Rabbi parceque vous n’avez qu’un seul maître et que vous êtes tous frères. N’appelez aucune personne sur la terre votre père parceque vous n’avez qu’un père qui est dans les cieux. Et qu’on ne vous appelle pas maître parceque vous n’avez qu’un maître qui est le Christ. » (Math. xxiii-6-10) « Pourquoi m’appelez-vous bon, personne n’est bon si ce n’est Dieu seul. » (Marc. X-18. Qu’aurait dit le maître, Mgr, si les apôtres avaient permis qu’on les appelât saints ?

Non ! Mgr, il est regrettable que V. G. ne voie pas que ces petits moyens, suggérés par l’esprit de flatterie, et qui

  1. Ne louez personne avant sa mort.