Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/102

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Je revivais des impressions d’enfance : j’avais voyagé, en lisant, dans des pays semblables à celui-ci, où, la nuit, les fées venaient animer la solitude et jouer avec les rayons de lune.

En repassant le long du mont Tremblant, les légendes du grand Manitou Ewitchi, puissant, magnifique et terrible me revinrent à l’esprit, et je me perdais dans ces rêveries fantastiques, quand le vieux Moïse, notre guide, mit en fuite la divinité sauvage en me demandant à quoi je « jonglais. »

Et plutôt que de lui avouer mes « jongleries, » je le questionnai, et il se mit à se raconter avec une langue et une verve inimitables.

La centaine d’ours tués, les têtes de loups payées par le gouvernement, les pèches mirobolantes, toute sa vie aventureuse de campeur et de trappeur dans la forêt sauvage me furent présentés en tableaux vivants que je n’oublierai pas.

— On m’a dit, monsieur Fleury, que vous aviez le don de découvrir les sources ?

— Bédame, oui, j’suit un sourcier. Mais ça, Madame, c’est pas forçant. À soixante-quinze ans, que j’aurai faites le quinze août, c’est une ouvrage plus douce que de coucher un âbre à terre ou de tuer un ours. »

Je voulais me renseigner et mes questions se multipliaient.

— Voilà, c’est ben difficile de vous expliquer clairement comment la baguette sent l’eau ; si vous voulez venir avec moi, ce soir,