Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/103

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je vous ferai voëre : rien comme de voere avec ses yeux, et m’est avis que si le bon Dieu se cachait un peu moins, il y aurait moins d’incroyants. »

Et le soir nous vit, le vieux Moïse et moi, monter, par le bois, le sentier pierreux qui va rejoindre la grande route. Au bruit de nos pas, les perdrix se levaient et s’enfuyaient, les écureuils regagnaient les sommets , et les oiseaux sifflaient avec impertinence en s’avertissant de notre passage.

Devinaient-ils que nous allions à la recherche d’un filet d’eau avec nos branches de coudrier, et que par la magie de nos petites baguettes nous prétendions connaître avec certitude l’endroit d’où l’eau jaillirait dès qu’on y creuserait ?

Curieuse, un peu incrédule, tenant avec fierté mes petites branchettes taillées en fourches, je suivais mon guide, en m’extasiant sur la beauté du soleil qui disparaissait derrière la montagne incendiant le ciel et le lac.

Le bonhomme me fit signe d’arrêter. Il tenait fortement, de chaque main, les deux branchettes latérales et la branche principale pointait en haut. Très lentement, comme s’il accomplissait un rite, il se mit à marcher, et je ne perdais par des yeux le bois magique. Et voilà que je le vois s’animer, trembler, puis d’un mouvement continu s’incliner vers la terre : on sentait, on voyait la résistance que lui opposait les mains serrées du sour-