Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/171

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viens quelle impression poignante se dégageait de ce contraste de vie exubérante dans le rayonnement du chaud soleil, et ce cercueil sur le bord de la fosse profonde.

La pauvre petite morte qui avait tant aimé la vie, qui avait eu une telle confiance dans le bonheur, allait être mise dans la terre humide et froide et ses beaux yeux étaient fermés pour toujours à la beauté du monde. Elle n’était pas morte de chagrin, peut-être, mais à cause de son chagrin elle n’avait pas lutté suffisamment contre la maladie. Pour se défendre victorieusement contre la mort, il faut aimer la vie, croire à l’amour et au bonheur, et depuis deux ans elle se désespérait de n’être plus aimée.

Après s’être crue la plus heureuse des femmes, elle avait senti peu à peu son mari se détacher d’elle… en vain était-elle attentive, douce et tendre, un à un se brisaient les liens qui les avaient unis. Sans cesse rebutée, blessée par les paroles rudes et les procédés indélicats, elle s’était repliée sur elle-même enfermant au profond de son âme son amour dédaigné qui ne mourait pas mais dont elle mourait. Et quand vint la maladie, elle tendit les bras à la mort qui la délivrerait et rendrait libre celui qui ne voulait plus d’elle et dont elle désirait le bonheur malgré tout.

Moi qui savais, je regardais le mari au bord de la fosse. Sur sa figure grave je ne pouvais rien lire. A-t-il eu des remords ? S’est-il cru coupable de cette mort prématurée ? A-t-il