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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/23

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têtes pensives inclinées sur un travail délicat : les doigts roses manient avec une rapidité merveilleuse le crochet brillant, et malgré l’air attentif des travailleuses, je devine que leur pensée est bien loin de l’étrange floraison qui naît sous leurs mains agiles.

Dans ma tête chante la jolie phrase musicale : « Mes rêves d’or s’en vont comme un essaim d’abeilles », et, je pense à tous les rêves qui sont enfermés dans les réseaux de la dentelle d’Irlande.

N’allez pas croire, bonnes gens, que les femmes aiment tant les fins travaux manuels pour le seul plaisir d’exercer leur habileté ou d’orner leur maison. Elles ont trouvé ce moyen charmant d’être un peu déraisonnables en paraissant sages, et très libres en faisant le geste d’être occupées.

Je connais des maris qui n’aiment pas que leur femme lise des romans, et ils n’ont pas l’ombre d’un soupçon de la vérité : c’est qu’elle-même est un auteur très occupé, et qu’au lieu de se servir d’une plume pour fixer ses jolies inventions, elle utilise sa fine aiguille à broder, son poinçon d’or ou son crochet d’acier.

Si j’étais directeur de conscience, je serais très curieux, — voyez si on a bien arrangé les choses, les hommes ne songent pas à ces détails, — et je ne résisterais pas au désir de faire une petite enquête sur la direction que prennent les rêves d’or ; je ramènerais à la