Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/24

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ruche les essaims d’abeilles pour surveiller la nature du miel qu’elles distillent… car il peut s’y glisser un poison très subtil dont l’action est lente, mais funeste plus souvent qu’on ne le croit. À bâtir trop de châteaux en Espagne, on se dégoûte du petit logement modeste, et l’évocation des princes charmants nuit terriblement au prestige du prosaïque mari qui enfume sa maison, grogne un peu, et refuse absolument de se tenir aux pieds des petites princesses !

Je vous déclare que je trouve moins dangereux le roman écrit, où les personnages sont des êtres imaginaires, que le roman rêvé par la petite dentellière qui le tisse avec des doigts menus et un cœur souvent triste et désabusé.

C’est que dans ce dernier roman, il y a un peu de vrai, elle s’y donne le rôle principal, elle s’aide d’éléments connus, de circonstances réelles, de personnages qui se profilent dans le mystère attirant et l’éternelle illusion : son roman lui représente une vie possible qui l’appelle, et la tente quelquefois à lui briser le cœur… et si le mal est moins grand, ses chimères ne manquent pas, cependant, de lui enlaidir sa vie un peu terre-à-terre.

N’allez pas croire, au moins, que je sois austère au point de condamner sans merci ces jolis bouts de vie que vous dérobez à la routine quotidienne. Je sais trop que ces heures de répit sont souvent nécessaires et salu-