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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/5

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que nous avons ainsi sa personnalité toute vive emprisonnée dans les phrases ?

La modestie chez Fadette me paraît s’allier à une autre vertu réputée aube de siècle et pompeusement louée par les écrivains modernes : la bonté. Elle date de plus loin ! Mais il est possible que l’homme d’aujourd’hui, reconnaissant enfin l’inutilité ou les bas motifs de tant de luttes fratricides, se soit subitement résolu à plus de bienveillance envers son semblable. Ce serait la première fois que le monde eût profité de la formidable expérience des âges. En tout cas, la bonté est une vertu nécessaire au moraliste. Et si l’on observe chez Fadette la connaissance minutieuse des différentes classes sociales, jointe à une perception très aiguë de nos travers de race, il convient d’ajouter que son grand cœur atténue les effets de sa clairvoyante ironie. Que de choses elle a su dire dans cette page féminine du Devoir où tout le monde, à tour de rôle, se sent atteint, mais où personne ne se croit visé ! Ce moraliste possède en propre une façon de parler et une façon de se taire véritablement apostoliques. Il accompagne un instant le coupable sur la route des réflexions sages, puis bientôt se retire ; le coupable, aiguillé de la sorte, continue seul l’âpre chemin ; et parvenu au terme, il peut savourer secrètement sa honte. Voilà, je pense, une grande leçon offerte aux sempiternels censeurs dont la maladroite insis-