Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/51

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intense et indestructible : elle ne se reposera jamais de crier, et les pauvres âmes ne se reposeront jamais de l’entendre crier !

Et c’est cela la vie, la vraie, la vie profonde et intérieure qui fait de nous des êtres supérieurs. Tant que nous ne vivons qu’à la surface, que nous ne prêtons l’oreille qu’aux voix extérieures, nous sommes de pauvres marionnettes dont les ficelles sont livrées au caprice du hasard. Nous ne vivons vraiment qu’en prenant conscience de notre conscience, en discutant avec elle, en lui obéissant ou en l’étouffant, c’est-à-dire que nous ne vivons que dans la lutte. Avant qu’elle ne commence, cette lutte, les jeunes âmes sont des fleurs : leur vie est presque végétative. Et quand la lutte cesse, c’est que nous glissons dans l’inconscience qui précède la mort.

N’est-elle pas déconcertante cette loi de guerre qui régit l’humanité et est-il donné à certains de la comprendre ?

La plupart la subissent sans penser ; il y en a qu’elle révolte, d’autres qu’elle ennoblit, mais personne ne s’y soustrait, même ceux qui s’en vantent.

Et c’est pourquoi la vie nous use et nous fatigue. Le travail matériel dans le repos et la paix, c’est une joie, ce qui le rend pénible c’est de l’accomplir dans la révolte ou avec une âme tourmentée et agitée. Et ce qui trouble une âme c’est le conflit perpétuel entre son désir et son devoir, c’est la voix de sa