Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/70

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d’huile, plus grandes chaque fois qu’on les revoit.

La conscience s’éclaire et le cœur se dilate : on voudrait être meilleur et on sait mieux aimer dans la paix divine qui vous enveloppe ; et comme on trouve le temps de raconter toutes ces merveilles à ses amis, ils vous écrivent à leur tour, et le grand événement de la journée au village, c’est la distribution des lettres à l’heure de l’angelus du soir.

Vers les grosses mains noires du bonhomme Baril qui tient solidement la liasse précieuse, se tendent avidement les mains fines et roses, les bonnes mains potelées, les vieilles mains ridées : et toutes sont frémissantes et paraissent sentir que le bonheur ou l’angoisse peut leur arriver dans l’enveloppe qu’elles saisissent… et si elles ont attendu en vain, les mains sont tristes, comme les yeux !

À mesure que les noms s’égrènent, l’espoir a diminué, et quand la dernière lettre est donnée, on ne croit pas encore à ce désappointement et on insiste : — « Rien pour moi, M. Baril ? — Bédame ! vous voyez bien !

Comme elles en sèment de la joie et de la tristesse, les lettres ! Et comme, avant de les ouvrir, on devine peu quelquefois ce qu’elles nous réservent !

Il y a les lettres qui donnent de grands bonheurs que l’on voudrait enfermer sous verre pour les conserver intacts. Hélas ! On peut bien conserver les lettres, mais comme