Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/81

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« Que ferons-nous toute la journée ? » se lamentent les jeunes. L’une d’elles, détachée du groupe joyeux, marche seule, et sa figure pensive indique un rêve lointain et peut-être un peu triste.

Je la vois maintenant : elle est installée au petit pupitre de vieux chêne : elle écrit vite, vite, s’arrête comme pour admirer les petits traits noirs qui, sans parler, en diront tant, et elle recommence à faire courir sa plume sur le papier et les mouvements vifs me font deviner les spirales fines, les enroulements gracieux que les jeunes filles accrochent si volontiers, comme des ailes, à tous leurs mots.

Mais la voilà arrêtée : ses grands yeux bruns cherchent des idées nouvelles, ils se posent sur les rideaux à pois, errent sur les coussins du divan, puis le regard se perd là-bas ; par la fenêtre ouverte on aperçoit le ciel lamentable, les arbres ruisselants, et la pluie qui tombe en faisant de grandes flaques brillantes dans le noir du chemin.

Elle ne trouve plus rien à dire, ou peut-être en a-t-elle trop à dire : les deux causent le même embarras, vous savez ! Sa plume est tombée sur le buvard en y faisant une large tache, mais l’enfant n’a rien vu ; elle rêve en regardant les nuages menaçants qui se poursuivent comme de gros monstres glissants. Sur le doux visage une ombre s’est répandue, et moi qui ne la perds pas