Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/82

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de vue, j’aperçois bientôt de grosses larmes qui tombent sur la feuille inachevée.

— À qui écrit-elle, crois-tu ? ai-je demandé tout bas à sa sœur. — Oh ! à Jean ! Depuis qu’ils sont fiancés, elle ne sait plus écrire à personne autre ! — Elle pirouette et s’en va en riant.

La petite rêveuse est si absorbée qu’elle n’a rien entendu, elle ne bouge pas et ressemble à une statuette de l’indécision inquiète. Qu’est-ce qui peut bien troubler la pauvre petite âme et l’empêcher de continuer la lettre commencée si alertement ? A-t-elle senti déjà qu’ils ne se comprenaient pas toujours, et que, malgré leur amour, ils pouvaient se blesser mutuellement ? Est-il insouciant et rude et la fait-il pleurer sans s’en douter ? Ou bien, a-t-elle des remords, et est-ce lui qui se plaint dans la lettre ouverte, à côté du buvard ? La voilà qui recommence à écrire ; elle s’interrompt pour relire la lettre de Jean… puis elle reprend sa plume, mais ses mouvements sont lents, elle cherche ses mots, on voit sa plume hésiter… Puis voilà trois ou quatre lignes rapides, précipitées, la signature et la lettre est finie ! Mais, qu’il en reste du blanc sur la troisième feuille ! L’adresse est mise et le timbre aussi, mais dans la petite main blanche, la lettre est serrée comme si elle devait rester là. Tout à coup, d’un mouvement rapide, elle a couru à la cheminée où flambe un beau feu, et voilà la lettre qui se