Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec le brouillard, que nous ne pouvions voir où elle finissait.

Nous nous sentions seuls, séparés de tout par cette brume et c’était angoissant… comme toutes les solitudes absolues.

Il arrive aussi à notre âme d’être enveloppée de brouillards si épais qu’elle ne les perce, ni en haut, vers le ciel, ni en bas, vers la terre. C’est la solitude morale, la plus triste qui soit !

On ne saurait vivre un peu profondément sans avoir connu ces brumes où l’âme dérive sans presque s’en douter.

Elle est partie insouciante, en quête d’une joie légère, ou d’un bonheur qui l’appelle. Il lui semblait savoir où elle allait, le but était là, tout près. Mais peu à peu le brouillard est monté, s’est étendu, l’a séparée de tout ce qui lui était familier, lui cachant le ciel d’où vient la lumière, et la rive où elle pourrait aborder. La brume s’épaissit et l’angoisse grandit ; elle a beau scruter l’horizon… elle est seule et ce qu’elle croyait connaître a changé de formes… l’inconnu immense où elle s’épouvante est d’autant plus dangereux qu’il est si vague.

L’angoisse qui la saisit est cependant une bénédiction, car combien d’âmes, perdues dans la brume, s’abandonnent lasses et découragées et ne luttent plus pour sortir du danger.

Hier soir, la puissante lumière d’un phare a pénétré le brouillard et a fini par nous