Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/94

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au marcher ! Et pendant que, penchée sur notre âme, nous écoutons ce qu’il s’y dit, les arbres se chuchotent leurs confidences et toutes les fleurs des bois se balancent mollement au rythme de la berceuse que leur chante le vent léger. Et l’on va seule, seule avec soi, et seule avec les doux fantômes que l’on évoque. On cause avec eux sans réticences, sans détours, d’âme à âme, comme nous pouvons le faire si rarement, hélas ! quand des yeux rencontrent nos yeux, et que des mots répondent à nos mots.

Nous nous ignorons tellement de ce côté-ci du ciel, que les meilleures causeries que nous puissions avoir avec ceux que nous aimons sont souvent celles d’où ils sont absents, et où leur âme seule est tout près de nous.

N’avez-vous pas été saisis de cette incompréhension pénible des cœurs qui paraissent unis, en entendant les phrases qu’ils se jettent avec insouciance et qui sont comme des lueurs fugitives sur l’abîme qui les sépare ?

Mais quand on s’aime ? m’objectez-vous… Mon Dieu, on peut s’aimer ardemment et ne pas toujours se comprendre.

Rappelez-vous les silences forcés où vous n’osiez pas crier ce qui vous montait du cœur parce que vous n’étiez pas sûre d’être comprise. Rappelez-vous les paroles dites presque contre votre pensée afin d’éviter un froissement ; rappelez-vous vos chagrins pour