Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/158

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Il y a des jours semblables dans l’amitié : des ombres passent qui étendent entre les amis du gris où tremblent des frissons : un silence, un mot injuste, une défiance que l’on sent, et voilà tristes des heures que l’amitié devait illuminer.

Le grand Artiste nous a créés vibrants, sensibles aux plus légères nuances, et il ne faut jamais nous en plaindre. De la même source viennent les angoisses sourdes et les joies radieuses, les souffrances aiguës et les bonheurs profonds. Notre esprit perçoit vite et notre cœur répond instantanément, semblable à la harpe éolienne que le plus léger souffle fait vibrer, et ce qui rend la vie belle c’est d’avoir toutes les cordes de son âme d’accord et bien tendues.

Que ce soit une journée sombre ou une journée de lumière, le soir vient toujours, et il absorbe les rayons et les ombres.

Et c’est bon, quand on est las, d’entrer dans les églises dont les portes grandes ouvertes vous attirent comme des bras protecteurs.

Dans l’air parfumé d’encens et de lilas, il palpite encore des prières, et l’on va tout près de l’autel déposer le fardeau de la journée. Les heureux même ont besoin de ce repos : certaines joies sont si lourdes à porter ! Et quand dans un soupir, on a laissé tomber son âme devant Celui qui la sait faible, on n’a plus qu’à se taire ou à murmurer son nom dans le grand silence des prières muettes.